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Ituri : Des milices d'autodéfenses avec, en filigranes, les soutiens communautaires.

M23​​​​​​Depuis cinq ans, l’Ituri vit l’un des moments les plus difficiles de son histoire.  
Sur fond des clivages ethniques, des groupes armés tuent, pillent, violent et dévastent les infrastructures de base de cette province. 
Sans objectifs ni revendications déclarés, ces milices se réclament, presque toutes,  être des structures d'autodéfense des membres de leurs communautés respectives. 
Pour retracer la petite histoire de ces porteurs illégaux d’armes en Ituri, nos limiers ont posé des questions à quelques personnalités de la place.  
Cette mini-enquête a permis de reconstituer sommairement la genèse de ces associations des semeurs des désordres et désolations dans cette province.
Nés dans de circonstances presque similaires, ces groupes armés ont vu le jour sans leaders connus et sans dénomination ni localisation précises. Ils font usage des mêmes modes opératoires : attaquer les populations civiles, dévaster des villages et se disputer des carrés miniers.
Signalons que les présumés ADF avec leurs supplétifs mayi-mayi qui sèment la désolation dans le sud du territoire de Irumu et dans une partie du territoire de Mambasa, depuis 2021, n’ont  pas été pris en compte par cette mini-enquête.

La petite histoire

Fin 2017, en territoire de Djugu, des assaillants non autrement identifiés entament la commissions des massacres et tueries jetant ainsi, sur les routes, des dizaines des milliers de déplacés de guerre. 

Plus d’une année après,  en 2018, le nom CODECO est attribué à ces assaillants. 
Les tracasseries militaires et policières des membres de leur communauté, l’érection des barrières illicites par les forces de l’ordre et sécurité   ainsi que l'injustice sont avancés comme raisons à la base de cette insurrection.
En 2018, une position des FARDC est attaquée par des inconnus à Marabo, dans le territoire de Irumu. Armes et munitions sont récupérées par des assaillants non qualifiés. Le nom du village d’où ils étaient partis pour opérer leur sera attribué : ChinyiyaKilima. Plusieurs mois après, le nom de FPIC a été collé à cette milice dont les noms des leaders étaient toujours méconnus. 
 Faire entendre la voix des membres d’une communauté frustrée par des nominations au sein du gouvernement provincial et protéger des terres ancestrales ont été retenus comme causes de cette révolte.
Sentant la menace peser sur les membres de leur communauté,  des jeunes de Sota, Shari et Nderembi, en territoire de Irumu vont se constituer en «  indicateurs» de l’armée loyaliste dans l'objectif de démanteler le réseau de « tchinyiyaKilima ». Transformer en « éclaireurs  de circonstance» par quelques hauts gradés de l’armée, certains de ces jeunes vont finir par prendre le goût et se transformer en  groupe d’autodéfense. 
En 2019, le centre de Balazana est attaqué par ce groupe sur qui le nom de Zaïres va être collé plus tard. Comme raison de son existence, on a noté la protection des membres de la communauté contre les tueries. Difficile ici aussi de détecter ceux qui chapeautent ce groupe armé.
Par effet de contagion, quelques jeunes du territoire de Djugu vont mordre à l’hameçon et étendre le champ d'action de ce groupe qui se veut d'autodéfense. L'aile farouche de Zaïre va ainsi s'établir en territoire de Djugu pendant que dans celui d'Irumu ses lampions sont en passe de s'éteindre.
Ces trois groupes armés sont venus ainsi s’ajouter au FRPI, une milice vielle de plus de deux décennies et qui évolue dans le sud du territoire d’Irumu.
 En février 2020 FRPI a signé un accord, qui n’a jamais connu un début d’exécution, avec le gouvernement congolais.
En plus des exactions et tueries sur les populations civiles, ces deux derniers mois, ces milices s’affrontent, entre-elles, autour des gisements miniers, tant dans le territoire de Djugu que dans celui d’Irumu. 
 Pourtant, le gouvernement  provincial militaire  a reçu, de chacune de ces milices, en avril et mai 2022, des accords unilatéraux de cessation des hostilités. 
Ces accords ont valu à l'Ituri une accalmie relative de plus ou moins deux mois avant de connaître de quelques dérapages au début de ce mois de septembre 2022.
 

Lesclivages ethniques

Au regard de ce qui s’observe sur terrain, tout porte à croire que les clivages ethniques alimentent les actions de ces milices qui endeuillent l’Ituri. Ce ne sont pas des faits qui manquent pour attester cette thèse.
Les leaders communautaires, politiques, religieux et sociaux de l'Ituri rivalisent dans des déclarations protectionnistes de leurs communautés respectives  et dans la généralisation des faits.
 Ils ne sortent de leur silence que pour dénoncer ou condamner des incidents survenus dans leurs contrées d'origines ou sur des sujets avec lesquels ils partagent les mêmes communautés. Ils ne se sentent concernés que si leurs contrés d’origines sont touchées. Les discours prenant en compte la situation générale de l’ituri sont rares. 
Pendant que ces leaders réagissent à tout malheur survenu sur les membres de leurs communautés respectives, les milices justifient leurs actes par des exactions commises sur leurs leaders politiques ou les membres de leurs  communautés.
Quand deux milices s’affrontent, les condamnations ou justifications dépendent de la position communautaire de chaque leader. 
De là, penser au lien entre ces milices et certaines communautés de l’Ituri, il n’y a qu’un petit pas à franchir. 
La démarche tendant à impliquer les leaders communautaires dans le processus de restauration de la paix en Ituri trouve ici toute  sa justification. Ces hommes et femmes que les milices disent défendre et  aux noms desquels elles ont pris les armes devraient, de l'avis de plusieurs observateurs, avoir un rôle crucial à jouer pour le retour de la paix dans cette province troublée.
Joska Kaninda Nkole

 

Date de dernière mise à jour : 21/09/2022

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