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Révélation :Transféré à la Haye, Sharif Manda pointe le pouvoir Kabila comme commanditaire des massacres de Bogoro et Nyankunde en 2002 en Ituri

Pichou Iribi, Floribert Ndjabu, Sharif Manda et Djokaba Lambi ont été transféré à la Haye le 27 mars 2011. Ces quatre anciens ténors des milices de l’Ituri sont appelés à aller témoigner dans l’affaire opposant la CPI à Germais Katanga et Mathieu Ngudjolo.  Notre Rédaction a eu le privilège de joindre, au téléphone, Sharif Manda, quelques heures avant sont départ à la Haye. Pour cet ancien chef de FPJC, leur départ à la CPI est une occasion qu’ils ont toujours rêvée pour faire éclater la vérité sur ce qui s’était réellement passé en Ituri. Ils y vont pour crever l’abcès, dénoncer l’implication des hommes du pouvoir à Kinshasa dans les massacres de l’Ituri.  Manda reconnait les massacres perpétrés par des miliciens de l’Ituri mais soutient que ceux-ci n’étaient que des simples exécutants puisque les ordres venaient de Kinshasa en transitant par Beni. Quoi de plus normal que soient poursuivis ceux qui approvisionnaient les miliciens de l’Ituri en armes et munitions et dirigeaient les opérations au loin avait-il poursuivi. Dans l’Interview qu’il nous accordé au téléphone, Sharif Manda soutien que Mathieu Ngudjolo et Germais Katanga avaient déjà fait une déposition dans ce sens devant la CPI. Leur présence à la Haye va permettre à cette juridiction internationale d’avoir d’autres éléments de preuves  en vue de poursuivre les vrais commanditaires des massacres de l’Ituri qui se pavanent dans les bureaux climatisés de Kinshasa et espèrent encore une fois se faire (ré)élire. Vrai ou faux ? Nous vous laissons découvrir cette interview exclusive.


Nous apprenons que vous êtes parmi ceux qui doivent être transférés à la CPI. Qu’en est-il ?
C’est depuis une dizaine de jours que deux Avocats de la Haye sont arrivés à Kinshasa et ont insisté auprès du ministre de la Justice afin de visiter les ex-leaders des milices Ituriennes incarcérés à Makala depuis plus de 5 ans, pour certains d’entre eux, et cela sans aucun procès. Il semble que les deux Avocats ont dû insister afin qu’une autorisation leur soit accordée, par les autorités congolaises pour avoir des entretiens privés avec  nous. C’est de la pertinence de ces entretiens qu’est venue la décision de nous transférer.

Pour quelle raison exactement ?         
Dès l’arrivée de Ngujolo Chui et Katanga Germain à la Haye, ils ont reconnu avoir participé aux massacres des Hema à Nyakunde (avec la destruction de l’hôpital) et à Bogoro en 2002. Les deux accusés ont toutefois ajouté qu’ils étaient, avec leurs troupes, sous le commandement APC (Armée du peuple Congolais) de Mbusa Nyamwisi qui, en fait, exécuté les ordres venant de Kinshasa. Une manière de démontrer que les vrais auteurs des massacres de l’Ituri se trouvaient aussi à Kinshasa. Nous connaissons beaucoup des choses à ce sujet. C’est ce qui peut avoir motivé la CPI à nous chercher pour témoigner.

Pensez vous que cela soit vrai ?
Pour mieux comprendre ce dossier il faudrait remonter en septembre 2000 lorsque Kampala a procédé à la formation militaire d’un millier de jeunes Hema en Ouganda afin de faire face aux menaces d’extermination de la part des Lendu. C’était à l’époque où l’Ituri était dirigé par le Prof. Wamba avec comme Adjoint Mbusa et Tibasima. Ce dernier, très proche des Ougandais, avait négocié la formation de jeunes Hema pour contrer les menaces des Lendu que le pouvoir de Kabila-père voulait instrumentaliser en les présentant comme des patriotes résistant à l’hégémonie Hima-Hema. En 2001, Mbusa va s’intéresser à la formation des militaires à Nyaleke et plusieurs Lendu ont été formés dans ce centre afin de faire face à la milice Hema en formation en Ouganda. Les jeunes Lendu seront rassemblés au camp Nyaleke pour une formation militaire sous la supervision de l’armée APC/Mbusa et des instructeurs ougandais. L’année 2002 voit la création des partis politiques UPC (Hema) et FNI-FRPI (Lendu-Ngiti) et les affrontements à travers leurs milices respectives vont démarrer.

Est- ce cela qui suffit pour impliquer les autorités de Kinshasa dans les affres de l’Ituri ?
Non. Quand les Hema de l’UPC ont pris le contrôle de la ville de Bunia, les combattants Lendu de FNI s’étaient repliés vers Beni où se trouvait le QG des APC/Mbusa.  Et l’Ituri était complètement sous l’emprise Hema proche des Ougandais à ce moment là. C’est alors que Kinshasa et Beni vont utiliser les Lendu afin de récupérer ce district riche en or. C’est ce qui a justifié la présence des  leaders Lendu/Ngiti  à Beni pendant cette période. Il s’agit notamment de Floribert Njabu : président de FNI, Mathieu Ngujolo Chui : chef EMG/FNI, Mateso Ndinga alias Kung Fu : Cdt FNI de Mongbwalu où la Société AshantiGold était installée et faisait allégeance au pouvoir de Kinshasa afin de ne pas perdre la concession lors de l’unification du pays,  Cobra Matata : chef EMG/FRPI,  Germain Katanga : Cdt des opérations/FRPI , Pitchou Iribi : Ministre de la défense FRPI et moi-même Sharif Manda qui était à l’époque  représentant des milices Lendu/Nginti de l’Ituri auprès des APC/FAC (armée de Kabila qui deviendra FARDC lors de l’unification) au sein de la structure appelée EMOI (Etat-major organique intégré) dirigé par le Col. EKUBA avec comme adjoints le Col. AGURU (originaire de Mahagi et chargé d’approvisionner les APC/FNI/FRPI en armes en provenance de Kinshasa) et le major DUKU chargé des opérations dans la structure EMOI.

Avez-vous des preuves suffisantes pour prouver cette implication de Kinshasa ?
Nul n’ignore que Mbusa avait passé des alliances avec Kabila. Pour récupérer à tout prix l’Ituri ces deux alliés s’étaient proposés  de profiter des tensions tribales entre les Lendu et Hema pour frapper les positions de ces derniers dans les localités au Sud du territoire d’Irumu par où passaient l’approvisionnement en armes/munitions en provenance de l’Ouganda. L’avion de la compagnie Uhuru airlines fera des navettes entre Kinshasa et Beni pour amener des armes/munitions et c’est le petit-porteur du commerçant Kisoni (assassiné en 2007 à Butembo car il constituait un témoin gênant pour le pouvoir de Kinshasa) qui larguait ces cargaisons à Gety (pour les Ngiti), à Rety et Mongbwalu (pour les Lendu).

Mais ce sont les miliciens Lendu et Ngity qui perpétraient des massacres ?
Ces miliciens n’opéraient pas seuls. Le 05/09/2002 : la coalition APC/MayMay/FRPI attaque la localité de Nyankunde où un  grand  hôpital des missionnaires protestants américains fonctionnait. Les opérations sont dirigées par le Cdt Faustin Kakule (APC), le Cdt Bisimwa (APC) et le Cdt Kandro (FRPI). Le bilan est lourd : +/- 1000 Hema tués et la destruction totale de l’hôpital de Nyankunde. Le 24/02/2003 : la coalition FNI / FRPI / APC  attaque la localité de Bogoro. Les opérations sont dirigées par Mathieu Ngujolo (FNI), Darke (FNI) et Germain Katanga(FRPI). Cette coalition est aidée par des soldats UPDF car Bogoro était défendu par des combattants UPC dont le mouvement (dirigé par Lubanga) s’était, dans l’entretemps, rallié à Kigali. Le bilan fut lourd également : plus de 400 tués Hema et des milliers de vaches capturées et ramenées à Beni.


Vous allez donc pour dire tout cela ?
Tous ces éléments ainsi que d’autres détails sensibles ont été déjà  donnés par les accusés Ngujolo et Katanga lors de leurs multiples auditions à la CPI. Ils ont déclarés avoir des témoins qui pourraient confirmer que les ex- leaders des milices de l’Ituri ont été de simples exécutants des ordres reçus de Kabila, par l’entremise de Mbusa. La personne qui servait d’intermédiaire entre les deux était Vital Kamerhe qui se déplaçait de Kinshasa vers Beni. Les Avocats de Ngujolo et Katanga ont insisté auprès de la CPI pour que ces témoins soient entendus rapidement par la Cour car ils sont tous arrêtés à Kinshasa par Kabila qui peut les liquider à tout moment.  Nous allons donc là bas pour apporter nos témoignages.

Ne craignez vous pas des représailles du pouvoir à votre retour à Kinshasa ?
Nous sommes  décidés de dire la vérité, c’est-à-dire de dénoncer l’implication directe du président Kabila et ses acolytes dans les massacres de Nyankunde et Bogoro que les accusés ne nient pas du tout mais confirment avoir obéi aux ordres reçus de leur hiérarchie quand ils étaient à Beni. Il appartient à la CPI de nous protéger car nous sommes certains que le pouvoir de Kinshasa mettra tous les moyens qu’il faut pour nous liquider au cas où nous rentrons à Kinshasa.

Votre mot de la fin
Nous voulons que la lumière soit faite sur ce qui s’est réellement passé en Ituri et que tous ceux qui ont pris part à ce désastre soit poursuivis en commençant par les véritables commanditaires de ces macabres opérations. Il est évident que nos témoignages nous attireront des sérieux ennuis de la part des autorités congolaises. C’est pourquoi nous demandons à la CPI, aux ONG de Droit de l’homme de nous protéger car ce n’est qu’à ce prix (rétablir la vérité) que nous pourront espérer la paix et la réconciliation en RD Congo.

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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Commentaires

  • Joka

    1 Joka Le 11/06/2011

    Trois témoins congolais de la CPI, menacés en RDC, obtiennent de rester aux Pays-Bas

    La Cour pénale internationale de La Haye, a suspendu le retour en République démocratique du Congo de 3 témoins dans le procès de chefs de milice congolais. Après avoir mis en cause le président Joseph Kabila dans leurs auditions, ils craignent pour leur vie et ont demandé l'asile aux Pays-Bas.
    Pierre Célestin Mbodina, un ancien agent des services de renseignements congolais, Floribert Ndjabu, qui s'est présenté aux juges comme « s'occupant des affaires politiques d'une milice de l'Ituri », et Manda Charif, « coordonnateur du mouvement politique qui combat l'injustice en Ituri » avaient demandé l'asile politique aux Pays-Bas le 23 mai dernier. Ils avaient été cités comme témoins dans le procès de deux chefs de milice congolais : Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, accusés de l'attaque d'un village d'Ituri
  • FAY

    2 FAY Le 30/05/2011

    je comprend mieux pourquoi notre cher lula congolais (kamerhe ) ne s'en prends jamais directement a kabila trop de dossier en commun ils sont lié par le sang des congolais.
  • Mazoko

    3 Mazoko Le 01/05/2011

    Vital Kamerhe a le sang sur ses mains. Il n'a même pas honte d'oser mettre les bâtons sur les roues de notre futur Président Etienne Tshishekedi. Ne vous faites pas d'illusions, après Bemba, Lubanga, et consorts viendra le tour de "Kabila", Kamerhe, et consorts d'être déféré devant la CPI. Wait and see
  • christian

    4 christian Le 30/04/2011

    Ce qui manque en RDC, ce sont les personnes capables de dire ce qu'elles ont vu et entendu. Tout le monde a peur de la mort, surtout que l'on sait que Kabila distribue très facilement la mort: empoisonnement, assassinat ciblé, disparition, etc. Je crois que si les deux disent rien que la vérité, Kinshasa sera ébranlée et même Kamerhe qui croit pouvoir trouver un certificat de virginité au sein de l'opposition aura à s'expliquer. Tout dépend aussi du sérieux de Moreno O'Campo dont je doute de l'impartialité et recherche de justice. On verra donc.

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