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Ouganda –RDC : après les armes, la guerre économique ?

jk_museveni.jpgLes festivités de Noël et de la bonne année approchent. C’est le moment, pour les tenanciers des bars et autres débits de boissons, de constituer des stocks de boissons pour couvrir les demandes généralement croissantes pendant cette période. Hélas, c’est aussi la période choisie par les services de douanes congolaises pout réajuster les tarifs d’entrée des boissons ougandaises en RDC. Revues à la hausse, ces taxes et redevances sont passées, certaines, du simple à dix fois l’ancien prix. C’est notamment le cas du cassier de bière Nile qui doit maintenant payer dix dollars en lieu et place d’ un dollar qu’il payait jadis pour franchir les frontières congolaises. Pris au dépourvu, plusieurs importateurs des boissons ougandaises ont, au début du mois de décembre 2013, immobilisé leurs véhicules à la frontière en signe de protestation contre cette décision. Une manière pour eux de faire pression sur l’administration douanière en de la RDC vue d’obtenir d’elle la révision à la baisse de cette nouvelle tarification. Certains d’entre eux détenaient des certificats de BIVAC qu’ils brandissaient pour certifier les prix d’achat en Ouganda.
Pour protéger les produits congolais, le gouverneur de la province Orientale, M. Jean Bamanisa, aurait inspiré cette décision de la douane de Kisangani avec objectif de décourager l’importation des produits ougandais, expliquent certains commerçants de Mahagi visiblement déçus. Ces operateurs économiques estiment que les capacités de production des brasseries congolaises qui desservent cette partie de la RDC est très loin de satisfaire à la demande de cette partie du pays. Aussi pensent-ils qu’avec l’état piteux des routes en RDC, il est plus aisé de s’approvisionner à Kampala en Ouganda qu’à Kisangani ou à Beni où sont implantées les brasseries congolaises. Des longs délais de route et des pannes consécutives au mauvais état de la route augmentent le coût d’exploitation du côté congolais.
Le Directeur Provincial de la douane en province Orientale pense, pour sa part, qu’il est simplement question de facturer les boissons ougandaises à leurs justes valeurs et réduire ainsi les fraudes et les sous-évaluations. Kongolo Kabila est formel à ce sujet : le certificat de Bivac ne suffit pas à lui tout seul pour justifier les prix d’achat de ces boissons en Ouganda. Son entreprise dispose de plusieurs autres moyens de vérification pour déceler les manigances des hommes d’affaires. Il faut taxer ces boissons à leurs justes valeurs pour maximiser les recettes de l’Etat. Le pays en a tellement besoin pour son développement a-t-il renchéri. Notons que ce directeur de la douane en province Orientale a, par son action, réussi à booster les recettes des postes douaniers de cette entité. Les postes douaniers d’Aru et de Mahagi ont vu leurs recettes passer du simple au quadruple pendant que celui de Tchomia-Kasenyi a multiplié pratiquement ses recettes par dix. De quoi renflouer les caisses de l’Etat congolais.
Faisant allusion à cette situation, le président de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC/Ituri), Monsieur Constant Bubu Lenga a, lors d’une intervention radiodiffusée à Bunia au début de ce mois, déploré que cette majoration de la tarification douanière ait eu lieu sans que les commerçants de l’Ituri n’en aient été avertis. Essayant de politiser cette affaire, Bubu Lenga a clamé que cette décision serait mal venue puisqu’intervenant après le passage du chef de l’Etat Congolais Joseph Kabila dans ce district.
Des investigations menées par une société brassicole œuvrant à Bunia, la bière Nile, en provenance de l’Ouganda est la plus consommée de ce chef lieu du district de l’Ituri. Les habitants de Bunia en consomment, en moyenne, 70.000 casiers par mois. Aucune bière congolaise (Primus, Skol, Simba, Tembo et Turbo King) ne dépasse le cap de 10.000 casiers vendus par mois. C’est à peine qu’une brasserie congolaise écoule 7.000 casiers d’un de ses produits. Ce qui a pour conséquence de mettre en péril les firmes congolaises et d’occasionner la compression d’effectifs de leurs employés.
En consommant ougandais les habitants de l’Ituri contribuent à l’essor économique de l’Ouganda et mettent en mal l’économie congolaise, pense un économiste de l’Ituri. Dans l’espace Beni-Lubero, l’implantation de la BRASIMBA a réduit très sensiblement la consommation des boissons ougandaises.
Economiquement, l’Ouganda colonise l’Est de la RDC. Presque tous les produits manufacturés de premières nécessités consommés dans cette partie du Congo proviennent de l’Ouganda (savon, huile de table, sucre, farine de mais, farine de froment, piles, jus, margarine, sel, biscuit…). C’est ce pays qui approvisionne l’Est du Congo en matériaux de construction et même en véhicule avec comme conséquence la grande circulation des véhicules aux volants à droite. C’est aussi en Ouganda que sont illicitement déverser certaines ressources naturelles de la RDC : bois, or, coltan, café, huile de palme, fruits…
Cette grande influence économique de l’Ouganda commence même à toucher les aspects culturels. : Nombre des congolais vivant à l’Est s’adonnent à l’apprentissage de l’Anglais en plus que la musique ougandaise devient de plus en plus présente dans les bistrots et autres boites à musique de la RDC. Invité par Une entreprise du Nord Kivu, José Chameleone, la star ougandaise de la chanson vient d’effectuer une tournée dans quelques villes de l’Est du Congo. Pire, dans les villages, localités et agglomérations situés le long de la frontière commune entre ces deux pays, toutes les transactions commerciales se font en monnaie ougandaise (le shilling ougandais). Il y a des enfants congolais qui y ont terminé les cycles d’études primaires et secondaires sans connaitre le Franc Congolais.
Rappelons que c’est la coalition Ouganda-Rwanda qui avait installé le régime de Kabila père à Kinshasa avec ses ramifications actuelles. Depuis ces deux pays ont une certaine emprise sur les cours des choses politiques en RDC.
Entre la RDC et l’Ouganda, les fronts sont multiples : militaire, politique, économique…
La guerre économique s’annonce-t-elle déjà ?
Joska Kaninda Nkole

Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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