30 jours nous séparent de la journée commémorative du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC et 14 mois de la fin du mandat présidentiel en cours.
Pendant ce temps, le climat général est nuageux dans ce pays post conflit.
Les promesses de pacification de l’Est du Congo faites lors de la dernière campagne présidentielle tardent à se réaliser. Cela, en dépit de l’entrée sur le sol congolais, des troupes rwandaises et ougandaises au début de l’année 2009.
Les mayi-mayi et les FDLR continuent à allonger la liste des morts, de déplacés de guerre, des femmes et filles violées et des pillages dans les provinces Nord Kivu et du Sud Kivu.
L’insécurité est permanente dans la région de Beni-Butembo où les assassinats et autres vols à mains armées sont devenues monnaie courante.
En Ituri, dans la province Orientale, la coalition Monuc-FARDC n’est pas encore parvenue à en découdre avec la milice FPJC encore active dans le territoire de Irumu.
Les rebelles ougandais de la LRA continuent à semer la désolation dans le district du Haut Uélé et celui du Bas Uélé notamment dans les régions de Dungu et de Bondo.
Au mois d’avril dernier, Kisangani, chef lieu de la ville de la province Orientale, vivait la psychose d’une éventuelle attaque. Ce qui avait mis des troupes en état d’alerte.
La Province de l’Equateur à encore frais en mémoire les dernières attaques des Enyele dans la ville de Mbandaka.
Pas plus tard que le 23 mai 2010, la même psychose avait gagné Lubumbashi, chef lieu de la province du Katanga. Des policiers et militaires ont été postés à tous les endroits stratégiques de cette ville. Une vingtaine de personnes soupçonnées de "complot" ont été arrêtées et d’autres enquêtes sont en cours pour débusquer tous ceux qui projetaient de "mettre le désordre" à Lubumbashi, a déclaré lundi 25 mai un ministre provincial de cette province.
Deux jours plus tard, des coups de feu ont été entendus à Kamina, toujours au Katanga, sans que des précisions ne soient données sur ses auteurs..
Au plan social, c’est le déboire total. Les maigres salaires d’agents et fonctionnaires de l’Etat (l’armée et la police compris) sont irrégulièrement payés. Les conditions de vie des populations ne font que s’empirer. Le chômage prend de l’ascenseur.
Bref, les espoirs suscités par les dernières élections présidentielles s’évanouinssent.
Hélas, c’est dans ce contexte que, sur le plan politique, est survenue la création, le 24 mai 2010, d’une nouvelle plate forme au sein de l’AMP (Alliance pour la Majorité Présidentielle) dénommée « Centre Libéral et Patriotique », CLP, jetant ainsi le pavé dans la marre.Quatre grandes personnalités membres de l’AMP sont à la base de cette initiative qui, dit-on, aurait irrité le chef de l’Etat Joseph Kabila. Il s’agit de Olivier Kamitatu, José Endundu Bononge, Modeste Bahati Lukwebo et Mbusa Nyamwisi.
Une consigne de prudence aurait été recommandée aux membres des chancelleries occidentales de Kinshasa au regard du climat politique malsain qui prévaut actuellement de ce pays.
Bien avant cela, les députés provinciaux de la Province Orientale originaires de l’Ituri réclamaient l’élévation de leur district au rang de province conformément aux dispositions constitutionnelles et fixaient le délai butoir au 14 mai 2010.
Bien que rien ne se soit passé sur terrain, dans ce district troublé de la RDC, cette réclamation des députés de l’Ituri a tout de même fait tache d’huile. Elle a réveillé le chat qui dormait. D’autres districts du Congo ont eu à se rappeler de cette disposition constitutionnelle. Ce qui ne fait qu’accroître l’insatisfaction des populations.
Avec la Monuc, les violons sont loin de s’accorder. Le gouvernement de la RDC réclame un plan de désengagement de la Monuc pendant que cette dernière semble ne pas être pressée de vider le lieu dans ce pays. La dernière résolution de l’ONU sur le Congo prolonge le mandat de la Monuc jusqu’en décembre 2011 et transforme la Monuc en Monusco (Mission de Nations Unies pour la Stabilisation du Congo). 2.000 casques bleus vont se désengager d’ici le 30 juin 2010 pendant que les autres resteront en place jusqu’en 2011.
Seule assurance, Kinshasa a réussi à harmoniser ces rapports avec Kampala et Kigali, deux capitales impliquées dans les troubles connus par la RDC les dix dernières années.
Ce qui le met à l’abri de certains tracas,
La position stratégique de la RDC
Au delà de toutes ses considérations, plusieurs observateurs estiment que la région de Grand Lac est l’une de celles qui préoccupent la communauté internationale actuellement.
Les grands de ce monde tiennent à l’accalmie dans cette partie de l’Afrique en vue de barrer la route notamment au terrorisme et au trafic de drogue.
Le danger que représente la Corne de l’Afrique et le Soudan nécessite un bon contrôle de la région de Grand Lac et cela passe par la stabilisation du Congo.
Hélas ce pays passe pour la porte à tous les troubles de cette région. Il est presque devenu les sanctuaires des groupes armés tant nationaux qu’étranger.
Kinshasa ne donne pas l’impression d’avoir la capacité de maîtriser la situation sécuritaire de ce géant au centre de l’Afrique.
La ruée vers le pétrole du Lac Albert et du Lac Tanganyika occasionnera, sans doute, des problèmes liés aux différentes firmes multinationales qui courent derrière l’acquisition des permis d’exploration et d’exploitation de cet or noir. Les problèmes notamment d’ordre sécuritaire ne manqueront pas de se poser.
Réservoir de plusieurs ressources, le Congo intéresse tous les grands de ce monde.
Aussi voudraient-ils que sa direction soit entre des mains sûres à même de satisfaire à la fois aux intérêts du peuple et aux leurs.
Pendant ces quatre années du premier mandat présidentiel issu des élections, Kinshasa n’a pas nécessairement convaincu tous les lobbies occidentaux sur sa capacité à bien gérer les enjeux de l’heure dans cette région de l’Afrique.
Un décor planté ?
Au regard de tout ce qui précède, des commentaires vont dans tous les sens dans les salons politiques.
Les uns y voient une machination du pouvoir en place en vue de justifier la non tenue des élections à l’échéance de 2011 tandis que les autres pensent à un complot visant à déstabiliser le pouvoir en place, saboter les festivités du cinquantenaire de l’indépendance et même tenter un coup de force. Tout peut donc arriver.
Tout ce qui se passe sur terrain en RDC n’empêche pas au Président Joseph Kabila de se balader à travers le monde. Ce qu’il ne se permettait pas quand le CNDP de Laurent Nkunda avait le vent en poupe à l’Est du Congo.
Il n’y a que les assurances de Kigali et de Kampala qui peuvent justifier cette « quiétude » du chef de l’Etat Congolais. Le Rais ne se doute plus d’une éventuelle attaque soutenue par ces deux voisins à partir de l’Est du Congo.
Machination du pouvoir ?
Les partisans de cette thèse considèrent que le pouvoir de Kinshasa n’est pas étranger à tout ce qui arrive en RCD sur le plan sécuritaire. Il tirerait des ficelles, au loin, en vue d’envenimer le climat social et politique et trouver ainsi des justifications pour la non tenue des élections à l’échéance de 2011. Pour eux, il n’est pas certain que l’argent pour l’organisation de ce scrutin sera mobilisé à temps sans l’intervention de la communauté internationale.
Conscient qu’une bonne partie du peuple congolais accepterait difficilement un tel report, le pouvoir prépare un climat malsain qui pourrait justifier ce comportement.
Un complot international ?
Il n’est pas exclut que ceux qui veulent avoir la maîtrise du Congo s’inscrive dans la logique de trouver l’ « oiseau rare » à même de jouer le rôle qu’ils souhaitent dans cette région de l’Afrique. Auquel cas, ils planteraient déjà le décor pour une éventuelle déstabilisation du pouvoir de Kinshasa. Tous les scénarios seraient possibles dans ce cas.
Détériorer le climat social pour énerver la population, maintenir le pays dans une insécurité permanente, instrumentaliser les personnalités politiques.
Tout pour rendre impopulaire le pouvoir de Kinshasa et installer un climat propice pour un éventuel coup. En s’acharnant à demander le départ de la Monuc, Kinshasa craint-il que cette mission de l’ONU au Congo ne soit mise à contribution pour accomplir ce coup ?
Kinshasa devrait, à notre avis, repenser sa politique tant intérieure qu’extérieure pour éviter des surprises amères. Les bons rapports avec l’Ouganda et le Rwanda ne suffisent pas. Il faut bien plus que ça. Rencontrer les préoccupations des grands de ce monde en maîtrisant les enjeux de l’heure dans cette région de l’Afrique.
Faire preuve d’une bonne capacité de gestion et de la maîtrise de la situation sécuritaire intérieure du Congo.
Il y a péril en la demeure.
Joska Kaninda Nkole
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