L’exploitation du pétrole sur la rive congolaise du lac Albert fait couler encre et salive depuis 2006. Deux compagnies britanniques, Tullow Oil et Heritage, ont signé un contrat avec la RDC en 2006 concernant les blocs 1et 2 constituant le côté Ituri du lac Albert.
Déjà, en 2007, ce contrat avait fait l’objet de contestation. Le Ministère de l’énergie, sous le Ministre Lambert Mende, apparut même l’annuler.
En 2008 un autre contrat assignait le bloc 1 à Divine Inspiration, Sac Oil, H-Oil et deux compagnies privées congolaises, Sud Oil et Congo Petroleum and Gas.
D’autres entreprises veulent s’engager en RDC, soit comme partenaires dans les contrats existants, soit au sein de nouveaux accords. C’est le cas de l’entreprise française Total et de la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC).
Hélas, tout ceci se fait dans le secret. Aucun débat sérieux, à ce sujet, n’a été engagé ni publiquement, ni au sein du parlement. Les différents contrats signés n’ont jamais été rendus publics. Ce qui ne peut qu’éveiller le soupçon de corruption. Le chef de l’Etat Congolais, Joseph Kabila, n’a pas encore signé un décret pour avaliser qui que ce soit.
Etant donné la confusion politique actuelle et l’opacité qui entoure les contrats pétroliers en RDC, l’ ONG PLATFORM a dressé un rapport qu’elle juge utile aux communautés locales, à la société civile, aux journalistes, aux bailleurs de fonds, aux acteurs politiques et aux négociateurs pour s’assurer que le gouvernement congolais, les gouvernements étrangers et les entreprises privées ne négligent pas leurs responsabilités et rendent des comptes au peuple congolais et aux communautés de l’Ituri.
Nous vous en faisons ici un condensé.
Profils des entreprises
N’étant pas encore parvenu à mener une étude intégrale, PLATFORM a fourni de brefs profils de ces entreprises en préconisant, prochainement, une enquête plus approfondie sur le rôle de Sud Oil et de Congo Petroleum and Gas.
Tullow Oil est une compagnie britannique ayant des permis en Ouganda, au Ghana, au Sierra Leone et en Ethiopie. Une série de succès a fait de Tullow une présence considérable sur le marché boursier de Londres. Spécialisée dans l’exploration et le développement en amont des gisements, cette entreprise est partenaire à la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) et de Total en Ouganda. Tullow gardera le contrôle de l’extraction du pétrole brut au Ghana et en Ouganda mais laissera des projets d’infrastructures majeurs, dont l’oléoduc et la raffinerie, à des plus grandes compagnies pétrolières.
Heritage Oil appartient au mercenaire Tony Buckingham et fut impliquée militairement dans la guerre civile en Angola. Cette entreprise a déjà vendu ses deux parts de permis en Ouganda. Ce qui lui a permis de réaliser des recettes de l’ordre de 1,3 milliards avant même que ne débute la production. Heritage a signé un Accord de Partage de Productions avec le Gouvernement régional de Kurdistan au Nord de l’Irak, région qui attire son attention croissante. Bien qu’encore formellement partenaire de Tullow en RDC, les relations entre les deux entreprises se sont fortement dégradées après une controverse au sujet d’une fuite de documents en Ouganda.
Divine Inspiration Consortium. L’appartenance et les capacités des intérêts commerciaux sud-africains qui ont obtenu l’Accord de Partage de production prêtent à confusion. Andrea Brown est l’Unique directrice du Divine Inspiration Consortium. Son partenaire principal c’est le sud africain Encha Group, compagnie d’investissement fondée par l’homme d’affaire controversé Tiego Moseneke considéré comme ayant des accointances avec Zoé, le frère du président Kabila. L’autre intérêt majoritaire de Divine Inspiration Consortium est Ivestec Bank, coté à Londres et Johannesburg. On avance que Moseneke s’est servi de Nozi Mwamba, accusé de fraude monétaire et de liens avec des milices, comme consultant pour négocier l’accord de 2008.
Divine s’est alors associé avec Encha pour fonder le South African Congo Oil Company, SacOil Holdings comme nouvelle compagnie d’exploration cotée à Johannesburg. Petro Sa, la compagnie pétrolière nationale Sud Africaine, n’est impliquée que par son assistance technique et par une lettre de soutien.
Une accusation de longue date affirme que l’ancien ministre de l’energie Lambert Mende était lié à Divine Inspiration, et qu’il tenta d’exclure Tullow/Heritage au profit des Sud-africains en 2008. Mais il se peut que l’affaire soit plus complexe : les compagnies sud-africaines étaient aussi liées à des acteurs stratégiques proches de Thabo Mbeki ; on dit que Kabila hésite à ratifier le deuxième accord de crainte d’éloigner le nouveau Président Jacob Zuma.
Notons que l’Accords de Partage de Production du bloc 3 fut signée avec « SacOil Pty Ltd » et non pas SacOil Holdings. « SacOil Pty Ltd » est une coentreprise 50/50 entre Divine Inspiration et Encha Group. La signature du contrat entraîna le paiement d’un bonus de 2 millions de livres sterling.
H-Oil détient une part importante du contrat de 2008. Cette entreprise a des antécédents dans le commerce du pétrole et dans « l’exécution des contrats » en Angola et au Nigeria, et prétend qu’une équipe technique de H Oil and Minerals Ltd a opéré des concessions d’exploration de pétrole et gaz, pour la company et comme une équipe avec Repsol », la compagnie pétrolière espagnole. H-Oil fait mention de bureaux en Irak, en Iran, au Sud Soudan et ailleurs, sans fournir d’adresse ou d’autre moyen de contact. Au moins une partie de la compagnie est enregistrée à Chypre.
Le président du groupe, Jacques Hachuel, a travaillé avec Marc Rich et Co, un opérateur privé en matières premières avec de nombreux antécédents de corruption et de pots-de-vin à travers le monde.
Sud Oil détient une part de 2 pourcent dans le permis qui pourrait avoir jusqu’à un milliard de dollars de bénéfices sur la durée du contrat. Certes, l’entreprise possède une activité avérée dans le commerce du pétrole ; toutefois, il n’est pas évident qu’elle a une compétence particulière qu’elle apporte au partenariat.
Sud Oil n’est pas requise d’investir du capital et ses frais seront « portés » par Divine Consortium et H-Oil. Ce qui laisse soupçonner que sa part n’est qu’une ruse pour masquer le transfert des fonds publiques au secteur privé.
Sud Oil est gérée par Pascal Kinduelo, un allié du Président Kabila avant les élections de 2006. Kinduelo qui vient du Bas Congo est parrain de l’épouse de Kabila.
En 2008, il a vendu la BIC (Banque International de Crédit) à Dan Gertler, un marchand de diamant israélien allié de Kabila.
Congo Petroleum and Gas est la deuxième compagnie privée congolaise dont le rôle dans le contrat reste obscur. Elle détient une part de 3 pourcent de l’Accort du Partage de Production de 2008. Sa part a été signée par le PDG Jean Bosco Muaka Khonde. Comme Sud Oil, ses frais seront « portés » par les autres partenaires.
Cohydro, la compagnie nationale de la RDC, créée en 1999, détient une part de deux Accords de Partage de Production.
S’agissant des entreprises cherchant à s’engager en RDC, PLATFORM cite :
-Total, géant pétrolier français qui va prendre une part de 33 pourcent dans les blocs du lac Albert en Ouganda. Total était à Kinshasa en mars 2010 pour faire pression sur le gouvernement sur le gouvernement congolais pour l’obtention d’une nouvelle série d’accords et mettre en exergue les avantages de la présence de trois mêmes compagnies de part et d’autre du lac Albert.
China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) détient des intérêt à travers l’Afrique dont au Nigeria, et va être chargée de construire une centrale électrique, une raffinerie et un oléoduc en Ouganda.
Eni, cette entreprise italienne était au point d’obtenir les permis de Heritage en Ouganda avant de les perdre face à Total et à CNOOC. Ce, malgré des accusations de pots-de-vin à des personnalités politique de haut niveau en Ouganda. Eni a signé un accord de partenariat avec Kinshasa et reste intéressée par l’exploration et la production sur la rive congolaise du lac Albert.
Voilà, selon PLATFORM, les entreprises qui lorgne sur le pétrole du lac Albert du côté congolais. Certains de ces entreprises ont signé des contrats avec le gouvernement congolais et n’attendent que l’aval du chef de l’Etat pendant que d’autres sont encore au niveau des intentions.
Les différentes personnalités congolaises intervenant dans le processus de l’obtention de la signature des accords ont plus privilégié leurs propres intérêts en reléguant au second plan les intérêts du pays de des communautés locales.
Les contrats de 2006 et 2008 ont été signés sans que ne soient pris en compte les attentes notamment des communautés locales de l’Ituri.
Des accords sans garantie légale de la part des sociétés mères.
PLATFORM note que le contrat Tullow/Heritage de 2006 a été conçu et signé par le gouvernement de la RDC à travers le vice-ministre de l’énergie Nicolas Badingaka et le ministre des finances. Le contrat du Consortium Sud-africain de 2008 a été signé par Lambert Mende, le Ministre de l’Energie de l’époque, ainsi que par le Ministre des finances. Dans les deux contrats, la compagnie pétrolière nationale COHYDRO figurait parmi les cosignataires pour garantir sa part du permis.
Ceci implique que le gouvernement de la RDC a accepté une responsabilité contractuelle en tant partie directe à l’accord. Ce qu’il devrait éviter en substituant une société publique ( COHYDRO ) à la participation directe. En opérant comme une entité distincte, une société publique limiterait la responsabilité de la RDC, étant donné que seuls les avoirs de cette société pourraient éventuellement être saisis.
A l’opposé, les compagnies pétrolières participant aux deux contrats ont évité la responsabilité contractuelle. Les signataires privés sont tous des filiales congolaises (par exemple Tollow DRC) plutôt que la compagnie mère (par exemple Tullow Oil).
Ceci est extrêmement grave, étant donné que sans garantie légale de la part des sociétés mères, le gouvernement congolais n’a aucune protection en définitive et dépendra du bon vouloir des entreprises. Si une entreprise se trouve en rupture de contrat, la RDC n’aura accès qu’aux ressources de la filiale Tullow RDC, et non à celles de compagnie mère par Tullow Oil par exemple.
Selon l’expert en contrats Jenik Radon de l’université de Columbia « le seul partenaire de contrat approprié et légitime est la société mère.
Ces contrats dispensent les compagnies et leurs sous-traitants des impôts normalement applicables en RDC.
Pour ce rapport de PLATFORM, l’attention des gouvernants congolais est souvent détournée par les bonus de signature parce qu’ils sont payés immédiatement et en liquide. Le débat sur les contrats en RDC s’est largement focalisé sur ce sujet au détriment d’une analyse des dispositions plus importantes de ces contrats.
Les deux contrats mentionnent une série de primes payées au gouvernement congolais par les entreprises.
En 2006 Tullow a payé un bonus de signatures de 500.000 dollars pour l’obtention de deux blocs. Sac Oil et Divine Consortium ont confirmé le paiement de 2,5 millions de dollars pour le bonus de signature en 2008 afin d’obtenir le bloc 1.
Kinshasa espérait sans doute obtenir des primes supplémentaires en modifiant/annulant le contrat Tullow-Heritage de 2006. Ces contrats prévoient aussi des paiements iniques de 1 millions de dollars au commencement de la production et de 5 millions de dollars après l’extraction du dix millionième baril.
Ceci est dérisoire face à des revenus de milliards que de tels contrats engendrent. Les bénéfices potentiels des opérations sont énormes. Personne ne connaît exactement la destination prise par ces primes versées au gouvernement. Ce qui laisse présumer que les primes futures disparaîtront de la même façon.
De manière plus générale, l’opacité qui entoure ces paiements de primes fait douter des intentions et de la capacité du gouvernement congolais à gérer le revenu pétrolier à venir.
Préoccupés par le propre enrichissement, quelques dirigeants congolais courent plus derrière les primes proposées par les entreprises.
A suivre…