Lundi 22 mars 2010 Muriel Devey ( AEM )
Avec une production de l’ordre de 25’000 barils/jour, la République démocratique du Congo n’est pas un grand pays pétrolier. Loin s’en faut. Pourrait-elle le devenir ? Difficile de répondre aujourd’hui. En tout cas, l’exploration s’active et des indices sérieux ont mis en évidence un potentiel pétrolier certain à l’intérieur du pays. En outre, preuve de l’intérêt que les autorités actuelles portent au secteur, ce qui n’était pas le cas sous Mobutu, qui avait plutôt misé sur les mines, le pays s’est doté d’un Ministère des Hydrocarbures. Créé par Laurent-Désiré Kabila, ce dernier avait été mis entre parenthèse pendant les années de braise, avant d’être remis sur pied en 2006.
Pérenco, le seul producteur
La RDC comprend trois bassins sédimentaires : le bassin côtier, la Cuvette centrale et les grabens Albertine et Tanganyika du Rift Est africain. Seul le bassin côtier produit environ 25’000 barils par jour, dont 15’000 on shore et 10’000 off shore, extraits par le français Pérenco. Sur le terrain, Pérenco opère à travers trois sociétés. Sur les champs maritimes, intervient MIOC (Muanda Intemational Oil Compagny) qui, avec 50 % des parts, travaille en partenariat avec Teikoku, un groupe japonais (32 %) et ODS, filiale de Chevron-Total (18 %). Et, sur les champs terrestres, opèrent Perenco Rep (55 %) et Lirex (45 %), dans lequel la Congolaise des Hydrocarbures (Cohydro) détient 15 % des parts.
Le bassin côtier fait également l’objet d’exploration. À terre, sur les six blocs délimités, trois (Yema, Matamba-Makanzi et Ndunda) ont été attribués à Surestream Oil, un à l’américain EnerGulf (Lotchi) et un au Britannique Soco (Nganzi), qui devrait réaliser un premier forage en juillet 2010, tandis que Congo Bitume s’est vu attribuer le bloc Mavuma, qui contient du bitume.
Récupérer le plateau continental
Pris en sandwich entre les provinces angolaises de Cabinda et de Zaire ( Soyo), l’espace maritime congolais fait l’objet d’âpres négociations entre l’Angola et la RDC, la délimitation des frontières maritimes entre les deux pays ayant été longtemps négligée côté congolais. Aujourd’hui, la RDC compte récupérer son plateau continental, illégalement occupé, selon elle, par son grand voisin pétrolier. La nouvelle délimitation des espaces maritimes congolais, qui tient compte du principe de l’équité et des circonstances spéciales régionales prôné par la convention de Montego Bay, que la RDC a ratifiée en 1989, a fait l’objet d’une loi promulguée le 7 mai 2009 par Joseph Kabila. Soit un espace largement plus étendu que l’actuel offshore congolais, qui se limite à un triangle qui s’avance dans la mer à environ 40 km des côtes congolaises. Tout autour, l’or noir est exploité par des sociétés angolaises, soit une production estimée à 2 millions de barils/jour, dont un quart dans le plateau continental supposé revenir à la RDC. C’est dire l’enjeu. Pour faire pression sur l’Angola, qui ne semble guère pressée de négocier, la RDC a introduit une requête auprès des Nations unies le 12 mai 2009.
En attendant que cette question soit réglée, les deux parties ont identifié une zone d’intérêt commun (ZIC), au terme d’un accord signé le 30 juillet 2007 et ratifié en 2008, dont les prospects devaient être exploités et les revenus partagés à égalité par les sociétés nationales, la Cohydro, côté congolais, et Sonangol, côté angolais, associées à des privés. Longue de 375 km et large de 10 km, cette Zic, située en territoire angolais, compte deux parties. À l’ouest, se trouvent les champs Menongwe, où les forages réalisés n’auraient rien donné, et Ngage, qui fait l’objet d’un contrat de partage de production entre la Sonangol et des compagnies privées. Pour la partie est, non encore exploitée, l’Angola a proposé à la RDC des contrats de services à risques en lieu et place de CPP. Pour l’heure, l’accord n’est pas encore exécuté, la constitution d’une commission technique se faisant attendre et les modalités de partenariat restant à clarifier. Toutefois, pour la RDC, l’enjeu reste la récupération du plateau continental, les réserves des offshores profonds semblant plus rentables aujourd’hui.
Bras de fer avec Tullow Oil
Dans l’est du pays, des indices ont mis en évidence la présence de pétrole, en particulier dans les zones frontalières. D’où un risque de litiges entre voisins que ces proximités peuvent présenter. Avec l’Ouganda, un accord de coopération a été signé en janvier 2008, qui prévoit une exploitation commune dans le lac Albert, à cheval sur les deux pays. En Ituri, dans la province orientale, sur les cinq blocs délimités dans le graben Albertine, le bloc 3, situé près du lac Edouard, a été attribué à l’Anglo-Sud Africain Skoil, dont le CPP est en cours d’approbation, et le n° 5 à Dominion Petroleum, également présent en Ouganda. Le bloc 4 est libre. Quant au bloc 1, octroyé au Sud-Africain Divine exploration, et au bloc 2, tous deux frontaliers avec l’Ouganda, ils font l’objet d’un bras de fer entre le gouvernement congolais et la société Tullow Oil, qui les revendique becs et ongles. Dénonçant l’annulation en 2007 de son CPP, la compagnie britannique, qui exploite trois blocs, en Ouganda, de l’autre côté de la frontière, refuse d’accepter le deal du gouvernement congolais, qui lui propose de conserver le seul bloc 2. Une manière d’éviter que Tullow Oil ne se trouve en situation de monopole sur toute la zone. La situation n’étant toujours pas réglée, aucun CPP n’a, pour le moment, été approuvé.
En revanche, les discussions entre le Rwanda et la RDC sur l’exploitation commune du gaz méthane du Lac Kivu sont plus détendues depuis la reprise du dialogue entre les deux pays en 2009. Ainsi un protocole d’accord a été signé entre les deux parties et des blocs attribués à chaque pays. Reste que si le Rwanda a déjà commencé l’exploitation du gaz, la RDC, elle, n’a toujours pas démarré. Quant au graben Tanganyika, qui se trouve dans le sud-est de la RDC, il n’a pas encore été subdivisé en blocs. Ce devrait être le cas en 2010, avec la délimitation de dix blocs.
Espoir du côté de la Cuvette centrale
Grand espoir du côté de la Cuvette centrale, un bassin de 800’000 km2, qui s’étale sur le Bandundu, les deux Kasaï, l’Équateur et la Province orientale. Le bassin a été subdivisé en 21 blocs, avec l’appui de la société brésilienne High Resolution Technology (HRT), au terme d’un contrat signé en janvier 2008, qui prévoyait également des études sur le potentiel pétrolier de la zone, la constitution d’une banque de données pétrolières et la création d’un laboratoire d’hydrocarbures. Pour l’heure, bien que peu de blocs aient été attribués, des sociétés ont déjà manifesté leur intérêt pour prospecter dans cette zone. La société Comico a signé un CPP pour l’exploration des blocs 1, 2 et 3, qui devrait être prochainement approuvé. D’autres compagnies ont signé des protocoles d’accord, dont les juniors Soco et Dominion pour les blocs 7 et 8, et l’italien ENI.
Pour clarifier les règles du jeu, la RDC s’est attelée, avec l’appui de Soco, à l’élaboration d’un code des hydrocarbures qui devrait être adopté en 2010. Quelques grands principes ont été retenus dont l’option pour le Contrat de partage de production, qui remplace la concession, le maintien de la compétence de l’État sur les hydrocarbures, et l’obligation faite aux compagnies d’investir dans le social, de réaliser des études d’impact et de protéger l’environnement. Transformée en société commerciale, dans le cadre de la réforme des entreprises publiques, Cohydro pourrait ouvrir son capital à d’autres partenaires. Une réflexion est engagée sur l’opportunité de créer une société nationale qui interviendrait dans l’exploration et l’exploitation.
Si la présence de pétrole se confirme dans les régions prospectées, outre les retombées financières et économiques pour l’État, les provinces et les populations, il est clair que l’exploitation bouleversera la géopolitique interne, les prétendues provinces pauvres d’hier pouvant devenir « riches » dans le futur.
| Muriel Devey (AEM)