Ils se vouaient mutuellement respects et considérations. Pendant la rébellion ils avaient le rapport d’acolyte face à son maître. Il va de soi que l’acolyte devait obéissance et soumission au maître et, en retour, ce dernier lui assurait protection et promotion. Alors chef de la rébellion du RCD/K-M, Mbusa Nyamwisi comptait parmi ses fidèles acolytes un certain Julien Kahongya. Jeune universitaire, Kahongya faisait partie des cadres politiques sur lesquels cette rébellion devait compter. Sa loyauté envers Mbusa Nyamwisi lui avait valu l’occupation de certaines fonctions de responsabilité. Il a été, tour à tour, Administrateur du territoire de Lubero et Maire de la ville de Beni par exemple. Ses points de vue politiques étaient pris avec la considération qu’il fallait par Mbusa Nyamwisi.
C’est ainsi que lors des élections de 2006, Mbusa Nyamwisi avait proposé et soutenu la candidature de Julien Kahongya au poste de gouverneur de la province du Nord Kivu au sein de l’Alliance pour la Majorité Présidentielle, AMP de l’époque. Mais s’était sans compter avec l’entourage de Joseph Kabila qui ne voulait pas lui laisser la chance d’avoir de l’influence politique sur cette province troublée de la RDC. L’AMP proposera un autre nom en lieu et place de celui de Kahongya à ce poste dit « stratégique » à bien d’égards. Pour contourner cette difficulté, il a été conseillé à Kahongya de se présenter comme candidat indépendant. Ce qui fut fait et la suite est bien connue : il a remporté haut la main les élections. Devenu gouverneur de la très problématique province du Nord Kivu, Kahongya a rencontré plusieurs peaux de bananes sur son parcours. L’épée de Damoclès était, de manière permanente, suspendue sur lui par les membres de l’Assemblée Provinciale. Kahongya a essuyé à plusieurs reprises, des motions de défiance exigeant sa démission à la tête de cette province. C’était à croire que l’AMP cherchait la petite bête pour l’évincer. Ayant encore des entrées faciles auprès du chef de l’Etat congolais, Mbusa Nyamwisi apportait son soutien à Kahongya au point de faire échec à ses détracteurs.
Viendra alors le moment où, une distance psychologique va s’établir entre Mbusa Nyamwisi et l’entourage du Chef de l’Etat. Ce moment a été choisi par les stratèges de Kinshasa pour faire des beaux yeux à Julien Kahongya, lui montrer qu’il pouvait se désolidariser de Mbusa et faire cavalier seul en politique en bénéficiant d’une attention particulière du chef de l’Etat. Un froid venait donc de se jeter dans les rapports Kahongya-Mbusa. L’acolyte n’avait plus besoin de gober tout ce qui venait de son maître. On venait de lui apprendre à contester certaines prises de position de son maître.
Bien que membre du RCD/K-ML, Kahongya ne s’est pas empêché de créer sa propre plate forme politique : Le BUREC. Quand, à la veille des dernières élections, Mbusa décide d’embrasser l’opposition, Kahongya ne tarde pas à faire une déclaration contraire en décidant de rester dans la majorité présidentielle et de battre campagne pour Joseph Kabila.
Plusieurs sources attestent que dans cette vague des élections, Kahongya se serait livré à une sorte de chasse aux sorcières en limogeant systématiquement, de leurs fonctions, un bon nombre des cadres jugés pro-Mbusa dans les institutions de sa province. Cette antagonisme Kahongya-Mbusa étonne plus d’un observateur
politiques de l’espace Beni-Lubero. Ceci d’autant plus qu’en dehors des intérêts personnels de deux messieurs, il n’y a aucune raison idéologique qui puisse les séparer. Se défaire de Mbusa comme parrain politique pourrait, à la longue coûter cher à Kahongya. Ceux qui lorgnent sur lui n’ont qu’un seul objectif : affaiblir Mbusa
politiquement. Dès qu’il leur aura facilité cette tâche, sa mission sera terminée. Kahongya a certes bien des raisons de se tailler aussi sa propre carrière politique. Mais, tenter de le faire en « crachant » sur Mbusa serait vraiment une erreur de sa part. Déjà, des rumeurs folles font état même de certaines tentatives d’empoisonnement de Mbusa Nyamwisi. L’on aurait recouru au service d’une dame proche de lui pour obtenir son élimination physique. Et, des esprits malins n’hésitent à lier cela à l’antagonisme caractéristique entre Kahongya et Mbusa.
L’espace Beni-Lubero obéit à une logique politique que ne maitrise pas nécessairement l’entourage de Kabila qui veut les opposer. Il faut très bien lire les signes de temps. L’on ne peut pas être en contradiction avec sa base et espérer s’assurer un quelconque soutien à partir de Kinshasa. Le pouvoir ne s’intéresse qu’aux hommes ayant pignon sur rue dans leurs bases politiques respectives. L’histoire des anciens députés RCD/K-ML, et même de la majorité, qui ont broyé du noir lors des dernières élections dans l’espace Beni-Lubero devrait inspirer.
Les deux personnalités ont besoin, l’un de l’autre, pour défendre les intérêts de la population du Nord Kivu qui fait face à de nombreux problèmes notamment sécuritaires. Kinshasa ne fait que l’usage de la politique de diviser pour bien régner. Ce qui ne va profiter ni à l’un, ni à l’autre.
Kambale Musuku