Certaines voix s'élèvent déjà pour exiger la levée de l'Etat de siège. Plusieurs élus (nationaux et provinciaux) du Nord et du Sud Kivu réclament la fin de cette mesure exceptionnelle au motif qu'elle a montré ses limites. A eux ses joignent les opposants au régime en place et quelques activistes de la société civile de deux provinces concernés.
Les milices intéressées par la prise en compte de leurs cahiers de charges par le gouvernement congolais ne veulent pas aussi d'un état de siège qui a pour mission de les traquer.
La multiplication des morts et des attaques pendant l'Etat de siège est déplorée. La restriction de certaines libertés et la mise aux arrêts de certaines personnes pour leurs opinions heurtent certaines consciences qui accusent la justice militaire d'excès…. Des faits rationnels avancés pour exiger la levée de cette mesure exceptionnelle prise par le chef de l'État. A coté de ces faiblesse, il y a des actes de bravoure de nos militaires qui sont minorés, l’on ne sait trop pourquoi.
Pourquoi les groupes armés ont ils choisi le moment de l'Etat de siège pour multiplier leurs attaques?
La réponse à cette question intéresse peu des gens, devant des centaines des morts que l’ont compte. Les habitants de ces deux provinces attendent, impatiemment, le retour de la paix.
L'Etat de siège est venu frustrer des groupes armés qui avaient déjà conclu des accords unilatéraux avec notamment les " anciens seigneurs" à qui ils avaient remis leurs cahiers des charges. Il est venu couper l’herbe au pied de ceux qui ont des visées expansionnistes sur la partie orientale du Congo. Sa réussite ne peut pas intéresser ceux qui ont fait de l’insécurité de l’Est un enjeu politique.
Une nette confusion semble être ainsi entretenue entre la fin de l'Etat de siège et le retour de la paix. Erreur.
Expliquer la montée de l’activisme des milices pendant l’Etat de siège par la supposée faiblesse de l’armée parait plus ou moins simpliste, aux yeux de certains observateurs Il y a bien des choses à rechercher qui peuvent aussi justifier cet état de choses. En désespoir de cause, face aux frappes de l’armée, les milices peuvent décider de poser des actes de sabotage pour démoraliser la population.
Les FARDC n'ont jamais été défaites, sur un seul front, par une milice, pendant l'Etat de siège. A chaque affrontement, c'est toujours elles qui prennent le dessus. Conscientes de cette puissance de feu de notre armée, les milices n'engagent plus des fronts avec les FARDC. Elles contournent les positions militaires pour aller tuer des civils dans des villages et sites de déplacés.
Le réseau des complices (vendeurs d'armes, munitions et plans aux miliciens) au sein des FARDC a été déniché et est entrain d'être démantelé.
Qu'est-ce qui empêche à notre armée de lancer un assaut final sur les différentes milices? Qu'est-ce qui justifie la persistance des groupes armés pendant tout ce temps ?
Les réponses à ces deux questions peuvent ouvrir la voie à l'avènement d'une paix durable à l'EST.
Le problème semble être structurel.
Le problème de logistique et d'effectifs des militaires semble être le grand défi à relever.
La gestion de ces deux provinces, en ce temps exceptionnel, par des militaires, privent certains politiciens de faire main basse sur leurs finances.
Les politiciens ont hâte de reprendre les rênes des leurs pouvoirs dans ces deux provinces en prévision des échéances électorales qui approchent dangereusement. Il leur faut un discours et un bilan à présenter à la population.
Les opposants politiques ont toutes les raisons de plonger le gouvernement dans un dilatoire s'agissant du retour de la paix à l'Est pour avoir un discours de campagne.
L'Etat de siège, la mutualisation des forces, les missions paix d'anciens seigneurs de guerre et de la Task Force mis ensemble et au même moment ont plongé les forces des défenses dans des hésitations et permis aux milices d'avoir un temps de répit pour se reconstituer.
Le chef de l'Etat doit garder l'initiative et la lucidité pour mener à bon port ce processus du retour de la paix à l'Est du Congo. Ceci passe par une évaluation sans complaisance de l’Etat de siège, par des experts en la matière, la prise des mesures courageuses au sein de l’armée et la mise en oeuvre rapide du programme de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion Communautaire et Stabilisation, pense-t-on.
Ce n’est plus le moment de poser un premier pas sans savoir où le second sera posé.
La fin de l’Etat de siège n’est pas synonyme du retour de la paix. Il faut se rassurer que la mesure qui succédera à l’Etat procurera vite la paix aux habitants de ces deux provinces. A défaut, ce sera le suicide politique du pouvoir en place dans la partie Est de la RDC à l’approche des élections.
Les tueries attribuées aux présumés ADF ont débuté en 2014, dans le Nord Kivu. Fin 2017, la province de l’Ituri a connu ses premiers massacres de ce nouveau cycle des violences. Toutes les meures prises par les dirigeants de la RDC n’ont, jusque là, pas procuré la paix tant souhaitée dans les deux provinces.
Les gouvernants congolais n'ont plus droit à l'erreur ni au tâtonnements. Ils doivent cibler la bonne voie à suivre pour sortir l'Est du Congo de ces cycles des violences qui y perdurent depuis plus de deux décennies.
Joska Kaninda Nkole