Des militaires et civils approvisionnent des miliciens en armes et munitions de guerre dans la province de l'Ituri.
Il n'y a plus des doutes possibles, à cela. Et ceci date d’il y a longtemps, pensent plusieurs observateurs.
Des pratiques vicieuses ont élu domicile au sein de l'armée nationale. La vente d'armes et munitions aux milices, le trafic des drogues et autres stupéfiants, la fraude douanière et l'exploitation illicite des ressources naturelles sont devenus les premières préoccupations de certains officiers militaires dans cette province insécurisée.
Plutôt que de se distinguer dans la réalisation des hauts faits de guerre, quelques épaules galonées des FARDC rivalisent plutôt dans la multiplication des chantiers de construction et l'achat des voitures gros cylindrées.
Le chef de l'Etat n'avait donc pas tort, quand il decriait l'affairisme au sein de nos forces de défense, lors d'une de ses visites en Ituri.
Dans une contrée où n'existe aucune maison de vente d'armes et munitions, les leaders sociaux soupçonnaient toujours la possible implication de certains éléments FARDC dans l'approvisionnement des milices.
Ce soupçon vient de se confirmer.
Le samedi 26 mars 2022, les forces des défenses ont mis la main sur une femme nommée Solange Makusi qui convoyait des munitions de guerre dans la région de Nizi, en territoire de Djugu. Ces engins de la mort étaient destinés à aller approvisionner des groupes armés dans la zone.
Après un interrogatoire serré, cette dame a révélé ses accointances avec des officiers militaires FARDC habitués, selon elle, à trafiquer des armes et munitions de guerres.
Ces déclarations ont permis aux services de défense et sécurité de remonter la filière pour mettre la main, le 27 mars dernier, sur sept officiers FARDC qui facilitent ce trafic.
Trois autres militaires cités dans cette affaire sont en cavale.
Deux jours plus tôt, des sources concordantes faisaient état de la vente aux miliciens, par d’autres officiers des FARDC, de deux armes du type PKM, en contre partie de l’or.
Les auteurs de cet acte incivique ont fait aussi l’objet de l’arrestation à l'Auditorat militaire de l'Ituri.
Des sources généralement bien informées indiquent aussi l’existence des complicités entre certains hommes friqués de l’Ituri et quelques miliciens. L’or produit dans des sites miniers sous contrôle des milices est acheté par des opérateurs économiques qui entretiennent des « bonnes relations » avec des membres des groupes armés.
Des chinois, parfois en situation irrégulière et gardés par des militaires et policiers, exploitent l’or dans des sites sous contrôle des milices, au grand étonnement des habitants de l’Ituri.
Avec ceci, les milices s’organisent pour prendre en charge leurs troupes et s’approvisionner en armes et munitions de guerre.
Des bouches se délient et font état de l’existence, dans cette province, des compatriotes qui contribuent périodiquement pour soutenir certains miliciens.
Pour sécuriser leurs engins roulants, quelques opérateurs économiques flirtent avec des milices qui contrôlent certains axes routiers. De l'argent, des vivres et non-vivres sont ainsi régulièrement envoyés aux groupes armés pour sécuriser les engins roulants
Une économie de sang s’est ainsi développée en Ituri et s’appuie sur trois piliers : les officiers inciviques des FARDC, quelques hommes nantis et des « passeurs » disséminés à travers la population.
Des femmes et des motards de l'Ituri sont associés à cette entreprise criminelle. Ils servent des transporteurs et passeurs.
Pour avoir libre passage sur les routes de l'Ituri, les véhicules personnels des officiers sont utilisés pour échapper aux éventuels contrôles des agents de sécurité.
Au delà de cet approvisionnent des miliciens en armes et munitions de guerre, ces officiers trahissent les positions des FARDC et vendent même des plans de guerre à l'ennemi. Ceci a coûté les vies, non seulement des milliers des civils, mais aussi des vaillants jeunes combattants des FARDC fauchés sur les différentes lignes de front, a dit le gouverneur militaire lors de la cérémonie de présentation de ces " fournisseurs" des milices au gouvernorat, le mardi 29 mars 2022.
A cette occasion, le, le Lt Général JonhyLuboya Nkashama a déploré ces actes qui tendent à ternir l'image de l'armée nationale.
Il est impensable que des officiers supérieurs de notre armée complotent avec l'ennemi pour faire tuer leurs propres compagnons d'armes et la population qu'ils sont sensés protéger, a regretté ce Gouverneur militaire. Aussi, a-t-il indiqué, c'est surprenant que des femmes ituriennes, des motards et des transporteurs de l'Ituri amènent des armes à l'ennemi qui tue leurs propres frères ituriens.
A l'instar de l'armée qui a exposé ses brebis galeuses à la place publique, Jonhy Luboya Nkashama a demandé aux différentes couches sociales de l'Ituri d'en faire autant pour des complices des miliciens qui peuplent leurs rangs.
Combattons le mal ensemble, a martelé cette autorité provinciale.
Il va sans dire que ces genres de pratiques compliquent la tâche aux autorités de l'Etat de siège qui font face, à la fois, à la complicité interne au sein des FARDC et à celle des compatriotes ressortissants des différentes communautés de l'Ituri.
Démanteler ces deux réseaux criminels ne peut que s'inscrire dans la durée.
Bien que satisfaite par cet acte posé par les autorités de l'Etat de siège, l'opinion générale de l'Ituri exige plus, le mal étant plus profond qu'on ne le croit.
La société civile de l'Ituri estime qu'il y a encore beaucoup à faire pour mettre hors d'état de nuire tous les membres de ce réseau criminel au sein des FARDC.
En Ituri, le phénomène coupeurs des routes et le banditisme urbain bénéficient, selon plusieurs témoignages, de la complicité de certains militaires qui donnent, en location, leurs armes aux malfrats pour opérer et, par la suite, se partager " le butin".
Les vendeurs des chanvres, drogues et boissons fortement alcoolisées se recrutent essentiellement parmi les militaires ou leurs membres de famille.
Le dimanche 02 avril 2022, à Mongbwalu, la police a mis la main sur un lot important des sacs des chanvres appartenant aux hommes en Uniforme.
L’opinion générale de l’Ituri salue l’arrestation de ce premier lot des militaires incivique comme un signal fort du Général Johny Luboya Nkashama dans la lutte contre ce fléau. Les Iturien attendent du gouverneur militaire l’organisation d’un procès public contre ces militaires trafiquants d’armes et leurs complices. Nombreux sont ceux qui pensent que, dans cette lutte, le gouverneur devrait bénéficier d’un soutien total au niveau des institutions nationales de la RDC car, la possibilité que ce réseau des malfaiteurs au sein des FARDC ait sa source à Kinshasa n’est pas à exclure. A défaut, les militaires maffieux vont déployer leurs rouleaux compresseurs pour marcher sur tout ce qui peut obstruer au progrès de leur entreprise criminel.
La mission est difficile mais pas impossible.
Joska Kaninda Nkole