Depuis fin 2018, la province de l'Ituri passe des moments particuliers de sa gestion.
L'on y assiste à une sorte d'alternance entre la donne politique et le juridisme.
Élu et investi par ordonnance présidentielle, l'ancien Gouverneur, Abdallah Pene Mbaka, n'avait pas eu l'occasion de terminer son mandat à la tête de cette province .
Ce premier Gouverneur élu de l'Ituri avait quitté ses fonctions sur un mot d'ordre donné par le Secrétaire permanent du PPRD, alors candidat président de la République.
De passage à Bunia, dans le cadre de sa campagne électorale, Emmanuel Shadari avait éloigné Abdallah Pene Mbaka de la gestion de cette province pour confier ses commandes à son vice-gouverneur Pacifique Keta.
Ce dernier a ainsi, six mois durant, géré l'Ituri sur base de cette décision politique.
N'eût été l'abstinence à la résistance de Abdallah Pene Mbaka, la province de l'Ituri aurait sombré dans des luttes de positionnement.
Depuis 2019, le politique et le juridisme alternent s'agissant du positionnement du gouverneur dans cette province insécurisée.
Déjà, en février 2019, lors du dépôt des candidatures, Jean Bamanisa Saidi a été écarté de la course au motif que son dossier contenait des irrégularités.
C'est par une décision de justice que sa candidature a été maintenue.
Après les élections, l'écart entre lui et son challengeur Samy Adubango avait suscité polémiques. Des voix s'étaient même élevées pour exiger l'organisation d'un second tour. C'est encore la justice qui avait départagé les deux camps en confirmant la victoire de Jean Bamanisa Saidi.
Le 20 novembre 2019, une motion de défiance a été votée par 22 députés provinciaux sur 40 qui étaient présents dans la salle, contre Jean Bamanisa. L'homme est revenu sur son fauteuil grâce à un arrêt de la cour constitutionnelle rendu en sa faveur, en février 2020.
En avril 2021, une motion de censure a été votée par 33 députés provinciaux sur 41 participants au vote. Le Gouverneur l'a attaqué en justice et la suite est désormais connue: la Cour constitutionnelle a jugé, le jeudi 18 juin 2021, sa requête recevable mais non fondée. C'est la confirmation de sa d'échéance.
Par deux fois, le gouverneur a été sanctionné sans avoir présenté ses moyens de défense.
Pour les élus de l'Ituri, il s'agit là d'une manoeuvre qu'il utilisait pour esquiver le débat dans l'hémicycle en vue de recourir à la justice.
La confirmation de la d'échéance de Jean Bamanisa vient mettre un terme à cette sorte de conflit entre la légitimité et la légalité qui s'était installé en Ituri..
Les députés provinciaux croiyaient bien faire leur travail pendant que le gouvernement provincial estimait, chaque fois, qu' il y avait toujours eu vice de forme.
Sur ce point, des avis divergeaient.
Les uns pensaient que le Gouverneur avait pris le malin plaisir de boycotter les plénières de l'assemblée pour s'en tenir et se réfugier derrière les arrêts de la Cour Constitutionnelle pendant que les autres estimaient que l'assemblée péchait en lui refusant le report sollicité.
Il s'observait déjà une sorte de cassure ou de rupture entre les élus de l'Ituri et le Gouvernement provincial. Les députés provinciaux s'appuyaient sur la légitimité pendant que le Gouvernement provincial jouait sur le terrain du juridisme.
Pour plusieurs observateurs, il est temps de trouver une solution durable à ce clivage entre ces deux institutions de la province de l'Ituri.
Le souhait est que les politiques de Kinshasa cessent d'interférer dans les affaires de cette province en instrumentalisant les uns et les autres.
Bamanisa déchu, la voie est maintenant libre pour l'organisation de son successeur, après la période de l'Etat. Pour éviter d'autres couacs, il faut bannir des mauvaises pratiques du genre imposition des candidats par Kinshasa et vote sur base de corruption, pense-t-on dans les rues de Bunia.
Joska Kaninda Nkole