'" Effacez le tableau", c'est le nom d'une opération qui a fait parler la poudre dans le Nord Est de la RDC, vers les années 2000.
Plusieurs choses se sont racontées sur cette opération conduite par la rébellion du MLC de l'époque.
Antropophagie, exécutions sommaires, viols et pillages sont, entre autres, des choses attribuées, à tort ou à raison, aux animateurs de cette campagne de conquête des espaces par cette rebéllion.
Plusieurs anecdotes sont racontées à ce sujet.
Pour plus des lumières , nous sommes descendus sur terrain pour nous enquerrir de cette situation. Ceci d'autant plus que quelques anciens leaders des rébellions congolaises ont eu des démêlés àvec la justice pour des faits reprochés à cette opération.
Que s'est-il réellement passé ?
A Mambasa, Biakato, Epulu, Niania, Bafwasende et Isiro, nous avons confronté plusieurs sources pour essayer de faire jaillir la lumière.
L'imprécision sur des dates de commissions des faits, des confusions d'acteurs et des récits contradictoires, tels sont des données que nous avons glannées, ça et là, pendant nos investigations.
Quelque chose s'était réellement passée dans cette région, certes.
Qui l'a fait, quand et comment ? A cette question, les avis divergent.
Selon plusieurs sources, cette région était constamment disputée entre trois rébellions : le RCD Goma, le RCD Kisangani et le MLC. Le RCD/N s'est ajouté sur cette liste en dernier lieu et n' y a passé qu'un temps éphémère allant de deux à trois ans, selon les sources.
Les contrôles des localités comme Isiro, Bafwasende, Biakato et Epulu étaient à la base des affrontements entre ces différentes factions rebelles rivales.
L'usure du temps a-t-elle altéré des souvenirs? Pas nécessairement.
Des courageux ne manquent pas.
Très allechante, l'offre d'aller témoigner en Europe dans le procès Roger Lumbala a suscité un engouement remarquable dans les différents milieux visités par notre équipe.
Voir l'Europe et mourrir, tel est le rêve de beaucoup des villageois. Hyper motivés par l'éventualité d'effectuer un voyage en France, des courageux passent leur temps à scruter pour racoller des bribes d'informations pouvant constituer un témoignage poignant.
A Epulu, sur le cas du décès d'un certain Ramazani , par exemple, trois versions des faits s'affrontent. Ce Serviteur de Dieu de l'Eglise Kimbanguiste aurait été exécuté devant sa maison par les éléments de " Effacez le tableau", nous a dit le premier témoin. Le second témoin nous a fait croire qu'il est mort,des bals perdus, lors des Affrontements opposant les éléments de l'APC du RCD/K-ML à ceux de " Effacez le tableau, du MLC..
Une troisième version a soutenu qu'avec un de ses coéquipiers, ils ont été confondus aux ennemis et abattus alors qu'ils revenaient de la réserve de faune à OKapi pendant qu'Epulu était déjà assiégé par les hommes de "Effacez le tableau" qui tenaient à y déloger les éléments de l'APC du RCD/K-ML.
Ils se sont tous accordés sur le décés de cet homme tout en divergeant sur les circonstances de sa mort.
Qui dirigeait ces opérations pour le compte du RCD/N à Epulu ? Aucun nom n'a été avancé.
Quelques personnes savent que l'opération "Effacez le Tableau " était menée par des soldats du MLC.
Le président des jeunes d'Epulu nous a même conduit sur le lieu supposé du crime.
A Biakato, c'est l'histoire d'un homme qui aurait été éventré, sur ordre des autorités rebelles, pour extraire le diamant qu'il avait dans son ventre qui nous a été rapportée. En vain, nous avons tenté d'avoir l'identité complète de la présumée victime ni de mettre la main sur un membre de sa famille. L'acte est attribué à un certain commandant " Mbisi na mayi". Ce militaire rebelle du MLC aurait, après son forfait, pris le large pour aller se réfugier à Aru dans le FAPC de Jérôme Kakwavu, nous a-t-on relaté. Il serait présentement colonel dans les rangs des FARDC.
Pourquoi ce tueur avait-il décidé de s'éloigner de l'espace sous contrôle de Roger Lumbala? Aucune réponse ne nous a été donné.
A Isiro, c'est l'histoire de l'exécution presumée sommaire de personnes par des rebelles qui nous a été racontée. Ici aussi, les opinions divergent à ce sujet.
Il s'agissait des bandits de grand chemin exécutés par un certain Afande Katangais, un commandant influant du RCD/K-ML, nous ont dit quelques témoins. D'autres ont fait allusion à des bandits emprisonnés décédés de suite des tortures leur infligées en prison. D'autres encore ont considéré qu'ils auraient été atteints par bals lorsqu'ils tentaient d'escalader les murs de la prison pour s'évader, à l'époque du commandant " Baimoto" du MLC.
Et les derniers témoins ont attesté que certains de ces bandits se seraient donné la mort, par pendaison, après avoir appris que leurs compagnons étaient déjà appréhendés par les rebelles.
Mao, Richard, Gombari et Ngine sont des noms des grands bandits recherchés de l'époque que l'on nous a cité, à Isro. Dans ce chef lieu de la province du Haut-Uélé aussi, aucun nom d'un commandant membre du RCD/N ne nous a été cité parmi les présumés bourreaux de la population de l'époque.
Dans cette confusion, chacun y va de sa manière en incriminant l'une ou l'autre personne selon sa compréhension des choses.
Plusieurs témoins oculaires sont déjà décédés, à défaut d'avoir changé leurs milieux de vie, nous a-t-on laissé entendre par quelques notables de Isiro. Ceci rend très difficile la reconstitution des faits.
Les témoins contactés prennent des bouts qu'ils peuvent sans être sûr de remonter tout le fil.
L'absence des preuves suffisantes exige un travail fouillé et de longue haleine, pour découvrir la vérité sur cette opération "effacez le tableau".
A cette première étape, nos investigations corroborent la thèse selon laquelle la rébellion du RCD /N était une véritable nébuleuse.
Notre équipe continue avec la fouille sur ce dossier.
Joska Kaninda Nkole