Les tueurs de Chebeya ne sont plus à chercher. Le colonel Mukalay de la Police nationale congolaise a mis fin aux spéculations. Chebeya est mort de suite des tortures qui ont mal tournées. C’est sur instruction du général John Numbi que cet activiste de droits de l’homme a connu ces supplices de la part des éléments de la Police nationale. Motif, il fallait le dissuader, par tous les moyens, à renoncer à son projet de mobiliser les Congolais contre le voyage, à Kinshasa, du Roi des Belges pour participer au cinquantenaire de l'indépendance du Congo.
Le samedi 05 juin 2010, le président Joseph Kabila a présidé, lui-même, une réunion extraordinaire du Conseil supérieur de défense pour tabler sur la question. Il nous revient qu’à l’issu de cette réunion, le général Numbi a été non seulement suspendu de ses fonctions mais aussi placé en résidence surveillée. Plusieurs autres officiers de la police dont les identités n'ont pas été révélées sont aux arrêts.
C’est donc clair. La Police nationale est impliquée, au plus haut sommet, dans cet odieux assassinat.
Le chef de l’Etat congolais aurait promis de s’investir pour que toute la lumière soit faite autour ce macabre assassinat.
Toutes les institutions sensées s’occuper des enquêtes ont été occultés : le Parquet Général, la Police Nationale, les services de Renseignement, l’Auditorat militaire et d’autres.
Que le chef de l’Etat prenne personnellement en main ce dossier suscite d’autres interrogations. Doute-t-il de la capacité de ces services à faire aboutir ces enquêtes ou veut-il se rendre compte de tous les individus qui utilisent abusivement son nom pour terroriser le peuple ?
Des détracteurs du régime de Kinshasa vont jusqu’à penser que c’est une manière d’écarter des témoins gênants et éviter la possibilité de remonter les filières en cas d’une éventuelle enquête internationale.
Chebeya n’est pas le premier congolais à subir ce sort.
Il est peut être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Des journalistes, acteurs politiques et de la société civile ont, dans le passé, subi des sorts similaires sans que la communauté internationale ne s’émeuve.
Des tueries à grandes échelles, des viols des femmes et jeunes filles, des pillages ont été perpétrés dans plusieurs contrées de la RDC sans soulever cette compassion internationale.
L’acharnement avec lequel la communauté internationale a exigé la lumière sur le cas Chebeya est-il une expression d’un raz le bol ?
En plus du fait que Floribert Chebeya est une figure emblématique parmi les activistes de droits de l’homme congolais, sa mort a été occasionnée par un proche de Kabila : le général John Numbi.
Deux éléments qui peuvent avoir influé sur l’attitude de la communauté internationale dont certains pays comme l’Amérique ne cachent plus leur désapprobation envers le pouvoir Kabila.
Pour ces pays, le pouvoir de Kinshasa a fait preuve d’ « irresponsabilité » dans sa gestion des affaires. Ils ne leur manquaient que l’opportunité pour manifester leur dégoût face au régime de Kinshasa.
L’irresponsabilité caractéristique de Kinshasa est, selon eux, à la base de tout ce qui arrive dans ce pays (lire notre article « Malaise dans le paysage politique congolais.Péril en la demeure ?).
Les élections de 2006 n’ont pas amené le changement souhaité par le peuple.
Bien qu’élus, les dirigeants congolais ne se sont pas encore départis des méthodes fortes. Musellement de l’opposition, atteintes aux libertés fondamentales, mauvaises gestions, mauvaise condition de vie des populations et bien d’autres tares autrefois décriées sont bien présents.
La Police Nationale, les services de renseignement et l’armée sont au service d’un homme : le chef de l’Etat. Dans leur zèle de s’attirer la confiance du chef, plusieurs bavures sont commises.
Certains pays occidentaux avec les Etats-Unis en tête sont conscient de cet état de chose et militeraient pour un changement dans ce pays.
Le pouvoir de Kinshasa devrait en prendre conscience et œuvrer pour changer l’image qu’il reflète présentement dans la communauté internationale.
A l’approche des élections de 2011, cette mauvaise image ne peut qu’être préjudiciable à l’actuel chef de l’Etat.
Avec une communauté internationale très vigilante, toute répression de manifestations publiques sera capitalisée pour discréditer le pouvoir.
Le décor est donc entrain d’être planté pour clouer au pilori l’actuel pouvoir de Kinshasa. La société civile et quelques acteurs politiques ne manqueront pas d’être mis à contribution pour faire aboutir le processus. Les villes de Bukavu et de Lubumbashi ont déjà convoqué leurs premières marches de contestation contre cet assassinat. A Bukavu le Maire a interdit cette marche le 07 juin dernier pour des raisons de sécurité. Sûrement que les autorités de Lubumbashi vont adopter la même attitude. Cela ne fera qu’augmenter la frustration au sein de population.
Kinshasa a donc du pain sur la planche. Il lui faudra jouer la bonne carte. Sinon, le pire sera difficile à éviter.
Joska