L’entité Congo Démo(n)cratique, forte de plus de 2 345 000 km2 (supposés), subit rageusement de l’extérieur comme en son sein de déchirants tiraillements qui ne laissent présager qu’une seule chose : son atomisation à plus ou moins long terme, en plus ou moins grosses parties plus ou moins autonomes. Tel n’est nullement le souhait de celui qui écrit cet article. Tel est cependant ce qui risque d’arriver un jour…
1. Le non-État congolais
Une surface dotée d’une population et délimitée par une frontière (dont le tracé est du reste incertain par endroits) n’est pas nécessairement un État, aussi grande que soit cette surface. Encore faut-il que les institutions fonctionnent correctement et assurent le minimum des droits fondamentaux aux habitants. Or que voyons-nous ? Absence quasi-totale d’une saine justice, corruption à tous les étages, violations massives et quotidiennes des libertés individuelles, prédation dans les caisses publiques, non-assouvissement des besoins primaires (eau saine, électricité digne de ce nom, nourriture suffisante), désorganisation de l’Armée clochardisée comme la majorité des travailleurs de la « fonction publique ». En RDC, tout semble truqué, faux ; tout se résume en un jeu malsain dont les seuls gagnants sont les gens au pouvoir. Avec une telle ambiance, il faut voir le ciel orange pour nommer la RDC État. Voilà d’ailleurs la raison pour laquelle j’évite soigneusement d’employer le terme « balkanisation » dans ce topic, ledit terme suggérant en effet la présence d’un État…
2. Nous ne sommes nullement maîtres de nos frontières
Jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas nous, les Congolais, qui avons tracé les contours de la RDC : les Belges, Allemands, Italiens et autres Français y sont pour beaucoup. Nous, on était dans des cases, on faisait la chasse, la cueillette et la pêche artisanales. De force, sans nous aviser, sans qu’on le veuille ni qu’on nous le demande, on nous a fabriqué une soi-disant Nation. Même le découpage de nos provinces est le pur fruit du colon ! Pourquoi doit-on se plaindre lorsque ledit colon décide, un beau matin, de remodeler les tracés ? On serait un État indépendant ? Laissez-moi rigoler un coup ! Rien, absolument rien d’important ne se passe sur le sol rdcien qui ne soit connu des Occidentaux et décidé par eux-mêmes ! Guerres par-ci, remaniement ministériel par-là, c’est connu des Blancs, car par eux téléguidé ! Vive le cinquantenaire…
3. Des dirigeants peu soucieux de la bonne tenue de l’État
Comme dit supra, vu le rythme endiablé (pour ne pas dire diabolique) qu’a adopté la mauvaise gestion en RDC, il est plus que patent de constater que ceux qui nous gouvernent font fort peu de cas de l’intérêt général. Une fois au poste de Ministre, l’on doit se remplir les poches et organiser de véritables saignements orgiaques des caisses publiques, boire et consommer les thunes à vomir copieusement. Une fois au Parlement, l’on aide ledit Ministre à s’ingénier dans sa sale besogne en s’abstenant de sanctionner les actes de banditisme monétaire dont il est passé champion hors-pair. Une fois magistrat, les yeux bandés puis endommagés par les liasses de billets verts ou bleus, on protège tout ce petit monde de délinquants cravatés (tolérance zéro de mes couilles !). Le bouquet revient aux généraux, parfaits bouchers de leurs subalternes dont ils détiennent depuis des lustres la solde, au point de se constituer une petite fortune. Pire ! De cette honteuse manière (voire directement avec l’ennemi), ils facilitent toutes sortes de rebellions et d’infiltrations. Résultat ? La souveraineté du prétendu État congolais s’écorne sans cesse : les Nord et Sud Kivu échappent en partie au pouvoir de Kinshasa, la Zambie convoite une portion du Katanga, Kahemba au Bandundu n’est plus tellement au Bandundu, les Enyele (orthographe non garantie) sèment la terreur à l’Équateur sur terre comme le long du fleuve, l’Ituri échappe partiellement au contrôle du gouvernement central.
Morcellement de la RDC ou pas, les gars au pouvoir s’en foutent royalement… du moins tant que cette situation n’empêchera pas leur escarcelle de se gonfler.
4. Une population loin de nourrir des visées patriotiques
Ceux qui racontent que les Congolais sont soudés, liés par un désir commun d’unité nationale soit se trompent soit trompent le monde. Le fameux clivage est-ouest, pas du tout chimérique, figure bel et bien parmi les réalités les plus ancrées du patelin rdcien. Cela se matérialise parfaitement dès qu’on se plonge dans le monde du travail, spécialement dans la capitale. À l’Université de Kinshasa, pour être recteur, on doit provenir du Bas-Congo ou du Kasaï. À la CEI (qui doit se métamorphoser en CENI), parler swahili s’avère un atout non négligeable en vue de briguer et de conserver un bon poste. Dans un cabinet ministériel, être natif de la province du mandataire est vivement recommandé, quasiment obligé.
En province, toute personne ayant un bon boulot qui n’est pas du terroir est considérée (même si on ne le dit pas sur tous les toits) persona non grata. Un PDG de la MIBA Kasaï originaire de l’Équateur ? Invraisemblable ! Autant lui envoyer une foudre réglementaire, histoire d’abréger son séjour ou ses jours ! Mieux : même entre sujets d’une même tribu, il est fréquent d’assister à des querelles parfois mortelles autour d’un grade quelconque à l’Armée ou au sein d’une entreprise publique.
Au demeurant, d’essence, le Congolais est casanier et égoïste. La seule unité qui lui importe, c’est celle de sa famille restreinte, à la rigueur celle de son clan, tout en visant en réalité son intérêt personnel.
5. Conclusion
À la seule condition d’un éveil général de la population congolaise, éveil, à vrai dire, causé par je ne sais quoi (du moment qu’on aime souffrir et faire souffrir en RDC), tous les paramètres indiquent un futur et inévitable morcellement du territoire dit national. Ceux qui croient en l’unité (nationale, bien entendu), quand bien même ils seraient nombreux, ne tiennent pas les rênes du pouvoir et, par-dessus le marché, n’ont aucune influence sur les prises de décisions internationales, ces Occidentaux tirant toujours les ficelles de la RDC dont ils ont eux-mêmes tracé les frontières et dont la majorité des habitants est dépourvue d’éducation et de sentiment patriotiques. Normal : quand on est dirigé par des non-nationalistes, d’où viendrait le sens de la patrie ?
Le Penseur Libre