Le président Yoweri Museveni de l’Ouganda et Paul Kagame du Rwanda ont été à Kinshasa la semaine dernière pour assister aux célébrations du 50è anniversaire de l'indépendance de la République démocratique du Congo (RDC). C'était la première fois que Museveni et Kagame visitent encore Kinshasa après leur dernier voyage d’il y a 13 ans (30 juin 1997) lors de la prestation de serment de Laurent Kabïla, en tant que président après le renversement de Mobutu Sese Seko Ngbendu Nkuku wa za Banga. D’après les infos glanées auprès des services de renseignements, nous sommes en mesure de vous révéler pourquoi les deux présidents ont effectué une visite éclaire pour assister à l’anniversaire de l'indépendance de RDC en dépit de leur programme chargé. Malgré le cours des événements, ils ont décidé de faire le voyage. Les services de renseignements des deux pays ont pu convaincre les deux chefs d’Etat sur l’opportunité de ce voyage compte tenu de la situation sécuritaire dans la région. Ce qui pourrait bien arranger la RDC, ce pays riche en minerais.
Facteur rébellion
Maintenant, il est de notoriété publique que les combattants ADF (Allied Democratic Front) sont toujours en activité et ont attaqué récemment le village de Mutwanga dans l'Est de la RDC, à quinze kilomètres de la frontière ougandaise. Mais la plus grande préoccupation pour la sécurité de l’Ouganda, c'est que dans les trois dernières semaines, les forces navales de l’ UPDF ont récupéré au moins 30 mystérieux corps flottant sur le lac Victoria. Certains de ces corps découverts étaient sans documents d’identification pour déterminer leurs nationalités. Des rumeurs prétendent que ce sont des vagues qui les auraient charrié des eaux de la Tanzanie vers l’Ouganda.
Bien que les pays de Grands Lacs (Ouganda, Tanzanie, Kenya, RDC, Rwanda, Burundi) aient tenté de signer plusieurs accords par le passé pour prévenir l’utilisation de leurs territoires respectifs par des groupes armés, la stabilité future de la région ne devrait pas seulement prendre en considération l’aspect militaire du problème. Les accords politiques sont indispensables, les chefs d’Etat de ces pays étant en même temps les commandants suprêmes des leurs Forces Armées.
L’exposé qui suit, donne les raisons qui peuvent ressusciter des nouvelles rébellions armées dans la région des Grands Lacs telles que vues par les services ougandais.
Le rôle de l’Ouganda
En 1986, quand la NRA/M (National Resistance Army or Movement) pris le pouvoir en Ouganda, l'actuel président et Commandant en chef s’engagea à aider les mouvements de libération des pays voisins. Ce projet aboutira à la libération du Rwanda, de la RDC et du Sud du Soudan. Hélas, cela va lui attirer aussi des ennemis.
La Lord Resistance Army (LRA), Les Forces démocratiques alliées (ADF) et l'armée de Rédemption du peuple (PRA) ont été utilisées comme moyens pour faire partir Museveni du Pouvoir.
Chaque fois, à l’approche des élections, ces forces ont tendance à intensifier leurs opérations contre le gouvernement de l'Ouganda. Pendant plus de 25 ans, le pouvoir n’a pas changé en Ouganda et la stabilité semble y régner. L'Ouganda se prépare aux élections générales pour l'année 2011 et Museveni est en passe de remporter son quatrième mandat.
Toutefois, l'UPDF (armée ougandaise) est de nouveau positionnée le long de la frontière RD Congo pour repousser les menaces renouvelées par l'ADF. Stratégiquement les ennemis de Museveni ont suivi l’évolution politique du pays. Après avoir soutenu longtemps l'armée de résistance du Seigneur (LRA dans le nord de l'Ouganda, ces ennemis se sont se tournés vers la région de Buganda (vivier du régime NRM) et à travers Mengo (fief du roi des Baganda), ils tentent de réduire la popularité de Museveni dans ce royaume. Maintenant, les attaques ADF dans les districts frontaliers de l'Ouest où Museveni a son bastion politique ne fera qu'aggraver les choses.
La question est la suivante: comme le changement de régime n’a pas eu lieu à Kampala depuis plusieurs années, les ennemis de Museveni ont-ils l’intention d’utiliser les structures autochtones pour le bouter dehors? Au cas où ils réussissaient leur coup, est-ce que la LRA quittera définitivement la forêt de la RCA ou les ADF pourront accepter les successeurs de Museveni? Même le colonel retraité Kizza Besigye, leader de l’opposition, n’a pas des réponses à de telles questions.
L’opposition politique Ougandaise est tellement obsédée par le départ de Museveni que personne ne pense à la garantie de la sécurité nationale en rapport avec nos voisins après son départ.
RWANDA, la Bombe à retardement
Les bonnes relations entre le régime Kigali et celui de Kampala ne sont pas un secret et quoiqu’il arrive entre les deux pays, elles restent vitales pour la survie des deux régimes.
Le Rwanda a connu une relative sécurité pendant un certain temps après l'horrible génocide de 1994. Mais les récents attentats à la bombe dans la capitale rwandaise, généralement calme, ne constituent pas une bonne nouvelle pour la région. La majorité Tutsi au pouvoir est confrontée à des problèmes internes alors que les Hutu majoritaires ainsi que les anciens Interahamwe observent à partir de la RDC, attendant une opportunité pour retourner chez eux. Les services ougandais révèlent que tout succès d’une opération militaire contre le régime rwandais dépendra du rôle stratégique que pourrait jouer le Congo. Le Général Kayumba Nyamwasa et le colonel Patrick Karegeya pourraient maintenant être tentés de nouer une alliance avec la majorité Hutu et les anciens miliciens Interahamwe basés en RDC s’ils veulent la réussite de ce qu’on appelle la seconde libération du Rwanda.
En raison des espaces non contrôlés (absence d’autorité) au Congo, les armées rwandaises et ougandaises pourront retourner en RDC sans aucune invitation.
Pourquoi?
Après les affrontements de Kisangani, l'ONU s’était interposée entre les deux pays et leurs armées ont été retirées du sol congolais. Mais plus tard, les deux armés sont retournées au Congo sur invitation. Ils ont appuyé différentes milices comme celle du général Laurent Nkunda, des Hema et les Lendu. Mais cela n’à pas aidé à résoudre la menace sécuritaire que la RDC constitue pour les deux pays voisins. Avec la découverte du pétrole à sa frontière Ouest, l'Ouganda ne peut pas dormir sachant que les ADF attaquent à la frontière pendant que leurs bases sont intactes à quelques kilomètres sur le sol congolais. De même, l’avenir immédiat du Rwanda dépend désormais de ce qui se passe dans la jungle de la RDC voisine. Et cette situation est aggravée par le fait que dans l’armée nationale congolaise, il y a plus de cent mille ex-milices Interahamwe qui pourraient saisir toute opportunité pour rentrer chez sachant bien que le président Kabilla les regarde avec méfiance!
Par conséquent, en l’absence d’un défi politique interne pour le président Kagame, ses adversaires peuvent avoir recours à une campagne militaire qui pourrait entraîner une nouvelle vague de meurtres
RDC: le géant régional endormi
Récemment, la République démocratique du Congo a fêté son jubilé d'or et le président Joseph Kabila a accueilli plusieurs invités de marque à Kinshasa la capitale. Parmi les nombreux invités il y avait le Président Kagame du Rwanda et de notre propre président ougandais Museveni. En dépit des pressions politiques dans leurs pays respectifs, les deux présidents ont accepté de répondre aux invitations pour faire honneur à Kabila.
Pourquoi ?
Le gouvernement de Kabila a un très grand rôle à jouer aussi longtemps que la sécurité du Rwanda et de l’Ouganda est menacée. Compte tenu de l’immensité de la RDC, l’armée congolaise n’a jamais été capable de sécuriser tout le territoire national. C’est pourquoi le gouvernement de Kabila semble avoir donné en leasing la partie Est de la RDC aux forces de maintient de la paix de Nations-Unies. En plus de cela, les forces de l’ONU ne se sont jamais souciées des groupes armés basés à l’Est de la RDC qui sont une menace pour la sécurité tant au Rwanda qu’en Ouganda.
Lorsque la LRA franchit la RDC, Kabila a permis une opération conjointe entre ses forces et de l'UPDF au bout de laquelle la LRA a été repoussée vers la République centrafricaine. Mais cela n'a pas empêché aux ADF de se réorganiser à partir d’un autre espace sur le territoire congolais.
Le Rwanda et l'Ouganda ont participé à la libération de la RDC en chassant Mobutu. Mais il semble que son fantôme continue à hanter les régimes. Il est difficile d'organiser une rébellion interne au Rwanda et en Ouganda, mais il est possible d'utiliser la RDC pour déstabiliser les deux pays. Quant au président Kabila, aussi longtemps que Kinshasa est sécurisé, il ne semble pas être inquiété par ce qui se passe aux frontières avec ses voisins à cause de la présence des forces de Nations Unies dans ses régions. Mais les services ougandais révèlent que Kinshasa a la capacité d'attaquer et de neutraliser tous les groupes armés sur son territoire. Ils estiment que s’il ne le fait pas, c’est parce qu’il entretient secrètement ces groupes armés en RDC pour des options militaires stratégiques dans un proche avenir.
MANUPULATION POLITIQUE
Une stabilité relative a été constatée dans la région des Grands Lacs. Mais, la sécurité dans cette région est loin d’être garantie. Quoique des élections aient été organisées régulièrement au Rwanda, en Ouganda et en RDC, il n’y a jamais eu d’assurance qu’il y aurait une paix en cas d’alternance du pouvoir. Les dernières élections présidentielles en RDC ont démontré que le rival de Kabila, Jean-Pierre Bemba, a dû chercher refuge en dehors du pays où il a été arrêté. Mais cela ne semble pas avoir décourager ses partisans, au sein de l’armée congolaise, à penser au plan B. En Ouganda, le chef de l'opposition le colonel Kizza Besigye a toujours brandi le spectre de la guerre en cas d’un échec, pour la troisième fois face à Museveni, aux élections de 2011. Au Rwanda, l’incident du général Kayumba est juste la partie visible de l’iceberg. La stabilité future de la région des Grands Lacs ne peut être garantie que par une alternance paisible au pouvoir. Autrement, nous risquons de vivre la Somalisation de la région de Grands Lacs.
Rédigé par Francis Mutabazi
Traduit de l'Anglais par le journal Le Millénaire