Ces derniers temps, les relations entre la RD Congo et l’Ouganda semblent être au beau fixe. Des délégations réciproques atterrissent dans les deux capitales pour concrétiser les bons rapports de voisinage. A l’issue des rencontres, des toasts sont portés en l’honneur de l’amitié des deux peuples et des hommages mérités sont rendus à Joseph Kabila et Yoweri Museveni, pour leur volonté clairement affichée afin de raffermir davantage les liens de fraternité, d'amitié et de coopération entre les deux Etats. Et bien cela, c’est pour la forme et ça fait du plaisir à ces paillassons qui accompagnent généralement les délégations pour faire de la figuration car c’est cela également le coté bling bling de la diplomatie. Mais pour l’oreille avertie, il est intéressant d’analyser ces discours distillés à longueur de journée et qui manquent de conviction, ses phrases plates sous une intonation fort soporifique. Et vous comprendrez qu’entre les frères voisins, la sincérité n’est pas de mise car, comme disait le président Lyndon Johnson :"Si deux personnes sont d’accord sur tout, c’est qu’un seul des deux réfléchit". Devinez lequel…
On a beau parlé du renouement des bons rapports entre l’Ouganda et la RDC, mais nous pouvons vous affirmer que le chef de l’Etat Ougandais affiche toujours une certaine méfiance envers son homologue congolais le président Joseph Kabila. Le numéro un ougandais considère que le régime en place en RD Congo peut porter entrave à son prochain mandat électoral. Les raisons sont multiples : le rapprochement Kigali-Kinshasa, le pétrole du lac Albert mais surtout les accords secrets entre Kabila et le président Soudanais Al Béchir autour de la récupération et du retournement de la LRA. Kampala considère que cette rébellion reste l’un des aillés fidèles du régime soudanais, capable de s’organiser à partir du nord de la RDC afin de perturber le référendum du Sud Soudan prévu pour janvier 2011. A ce sujet, il nous revient que la SPLA (l’armée Sud soudanaise) avait capturé, au mois d’août dernier, un hélicoptère piloté par des russes et transportant du matériel militaire destiné à la branche armée Zande pro-Béchir déployée vers la frontière avec la RCA. Depuis, elle est restée aux aguets et soupçonne une collusion des combattants Zande et la LRA dans une vaste région comprise entre la RCA, la RDC et le Sud-Soudan. Pour essayer de protéger les populations sud soudanaises contres les exactions de la LRA, la SPLA vient d’armer une milice d’autodéfense appelée AROW BOYS qui pourrait contenir les rebelles ougandais avant l’arrivée des soldats gouvernementaux.
Par ailleurs nous avons appris que par une lettre datée du 06/09/2010, la délégation de la LRA aux pourparlers de Juba a saisi différentes personnalités, tant de la sous région que du niveau international, dont le Secrétaire Général de l’ONU, afin de les informer que Kony se dit toujours disposé à conclure un nouvel accord de paix et demande à Ban Ki-Moon de prendre des mesures urgentes afin de faciliter ces pourparlers de paix. De leur côté, les représentants religieux des 4 pays touchés par les atrocités de la LRA, à savoir la RDC, la RCA, le Soudan et l’Ouganda, se sont réunis à Yambio, au Sud-Soudan, du 8/09 au 10/09/10 pour envisager des solutions aux problèmes que pose la LRA dans ces pays. Dans leur déclaration finale, ces représentants religieux se sont engagés à sensibiliser les gouvernements et la communauté internationale sur les atrocités de la LRA. Pour eux, la seule issue possible à cette crise est une solution politique. Ainsi ont-ils appelé les gouvernements des 4 pays affectés par la LRA ainsi que la Communauté internationale à relancer impérativement les pourparlers de Juba, étant donné que les opérations militaires n’ont pas donné les résultats escomptés depuis des décennies.
Kampala ne veut pas l’entendre de cette oreille. Pour l’Ouganda, pas question d’aller à des négociations connues d’avance stériles en donnant à Joseph Kony le temps de s’organiser avec l’aide du Soudan, laquelle est facilitée par l’inertie caractéristique du régime congolais.
Kampala est décidé à ne plus tomber dans ce piège en pointant du doigt, entre autre, les autorités congolaises dont l’irresponsabilité est à la base des exactions commises sur leurs propres populations. Lors de sa rencontre, le 11 septembre 2010 à l’aérodrome de Nzara à 15 km de Yambio, avec deux membres de la Conférence épiscopale sous-régionale, le Chef d’Etat Major de l’armée ougandaise n’a pas hésité d’attester que c’était le Gouvernement congolais qui avait cédé le Parc national de la Garamba dans l’Uélé à Kony et à ses combattants comme lieu de campement. C’est suite aux bombardements de ces camps en 2008 par les UPDF que la LRA a intensifié ses exactions contre les populations au nord-est de la RD Congo.
Par ailleurs, Kampala soupçonne Kinshasa de s’être convenu avec Khartoum en vue de fermer les yeux sur le passage furtif des éléments de la LRA dans le parc de la Garamba pour leur permettre l’accès au Sud Soudan en s’approchant dangereusement des frontières ougandaises. Pour cela, la stratégie congolaise consisterait à combattre les groupes d’autodéfense Zande congolais disséminés dans la région de la Garamba et à anéantir les éléments de la milice FPJC déployés sur l’axe Watsa-Aru-Mahagi. Ces groupes d’audodéfenses étaient pourtant bien informés des mouvements des combattants LRA et pouvaient bien aider les FARDC dans leur lutte contre la rébellion ougandaise, prétedent les autorités de Kampala.
Déjà, l’Ouganda s’inquiète de l’attitude des soldats FARDC qui intimident les populations locales afin qu’elles ne dénoncent pas les exactions et tueries commises par les éléments LRA et de faire croire que la sécurité a été rétablie dans la région. Cette manière d’agir dans une zone d’insécurité totale est perçue comme un arrangement au profit de la rébellion ougandaise et donc une conséquence des fameux accords Kabila-Al Béchir.
Les autorités ougandaises ont récemment demandé à Kinshasa l’autorisation de renforcer leur contingent UPDF dans le parc de la Garamba afin de procéder au nettoyage de nouvelles poches LRA mais Kabila traînerait les pieds pour répondre favorablement à la requête de Kampala. Le régime de Museveni, qui se débat actuellement afin de remporter les élections de 2011, a toutes les raisons de s’en prendre au président congolais qui devient de plus en plus insaisissable en prenant ses distances avec Kampala pour d’autres capitales comme Kigali, Khartoum, Bujumbura, Brazzaville et récemment Luanda.
La politique étant l’art du moins pire, nous estimons que le régime de Kinshasa devrait changer de voie et pas seulement de cap car la géopolitique de la région incite à plus de prudence actuellement. En effet, l’un des principes essentiels de la stratégie politique est, avant toute décision, d’apprécier, de prévoir et d’anticiper les réactions de l’adversaire afin de s’assurer que les coûts qu’il est en mesure de nous faire payer seront moindres que les bénéfices que nous pouvons raisonnablement escompter. Malheureusement les autorités congolaises, à tous les échelons, vous donnent l’impression de tout connaître d’avance, ce qui nous semble peu responsable car comme, l’a si bien dit l’artiste-peintre Pablo Picasso :" Si l’on sait exactement ce qu’on va faire, à quoi bon le faire ?".
Le Millénaire
mise en ligne le mercredi 29 septembre 2010
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