Traduction française rapide de l’article en anglais du journal ougandais The Monitor, sorti le Dimanche (30 mai 2010) .
Une semaine après que le président Paul Kagame du Rwanda ait accusé l'ancien chef du personnel de l'armée, le Lieutenant-Général Kayumba Nyamwasa, ainsi que l’ancien patron du renseignement, le colonel Patrick Karegeya, de fuir leurs responsabilités, les deux fonctionnaires, qui vivent en exil en Afrique du Sud, dans un communiqué envoyé par courriel au Monitor du dimanche par LT. NYAMWASA GEN, donnent leur version de l'histoire.
Général Kayumba :
«Quand j'ai quitté le Rwanda, mon intention était de réunir ma famille, commencer une nouvelle vie pour oublier la politique, la vie militaire et la diplomatie, domaines où j'avais évolué auparavant. J'ai pensé que je pouvais aller dans des universités, faires des travaux de consultance ou quelque chose de différent pour vraiment prendre des vacances d'une longue durée avec le Président Kagame, avec qui j'avais servi pendant les 16 dernières années. Malheureusement, ce ne devait pas être ainsi. Mon nom reste toujours dans les médias pour toutes les mauvaises raisons possibles.
Après mon départ, le Président Kagame a réuni une conférence de presse où il a épinglé Patrick Karegeya et moi-même comme des terroristes; devant des officiers cadets de Gako, il nous qualifia des voleurs; au Parlement, il nous a appelés des mouches qui il va écraser avec un marteau, dans Jeune Afrique, Il m'a appelé un traître et avec le Monitor, il nous qualifia d’officiers insouciants et irresponsables.
Pour des raisons de clarté et pour le bien de nos familles, des amis, des compatriotes et tous ceux qui ont lu votre publication, je suis forcé de répondre afin de mettre les choses au clair. Sinon, le silence signifierait notre consentement. Dans ma présentation, je peux faire des comparaisons et des analogies, mais elles ne sont nullement faites dans l'intention d'offenser.
Le Président Kagame n'est pas honnête quand il prétend que nous nous sommes enfuis pour ne pas rendre des comptes. Nos désaccords sont centrés sur la mauvaise gouvernance, l’intolérance, l’insensibilité, l'intrigue et la trahison de nos collègues.
En outre, il est de mon avis et avec de fortes convictions que nous avons lutté pour un pays où il y aurait la liberté d'expression et d'association. Au contraire, vers la fin du siècle dernier, ces idéaux ont commencé à se déplacer et l'accent n'est plus mis sur le pays et le Parti, mais sur le Président Kagame.
Ce phénomène a été promu et entretenu par des opportunistes et des courtisans. Je ne faisais pas attention à l'évolution des événements et méprisais la catégorie de ces personnes impliquées. La réunion avant mon départ était méprisable et j'ai tenu pour responsables et dans un certain mépris un certain nombre de personnes pour avoir transformé le FPR en un parti où les principales préoccupations restent la poursuite de l'intrigue et de la haine.
Le Président Kagame doit vous avoir dit qu’en 2003, avec un autre collègue, nous avons demandé de quitter l'armée et le gouvernement parce que nous sentions que nous ne nous inscrivions plus dans cet ordre de l’évolution des choses. Il a refusé et a exprimé la crainte qu’en quittant, nous pourrions causer des ennuis à l'extérieur. J'ai gardé, comme soldat, l'espoir qu’un certain sens de la raison prévaudrait encore et que peut-être les choses pourraient changer en quelque sorte. Avec le recul, je constate que j'ai peut-être été naïf ou eu trop de confiance en persévérant dans la résignation, comme certains de mes collègues le font actuellement.
Le Président Kagame nous accuse de fuir pour ne pas rendre des comptes. Nous croyons que rendre des comptes est une responsabilité primordiale, mais ce dont nous ne sommes pas d'accord avec et qui est inexplicable est le fait de persécuter ses adversaires au nom du contrôle des responsabilités. Quand le fait de rendre des comptes commence à être utilisé comme une arme politique pour encadrer ceux qui sont perçus comme adversaires, dès lors il cesse d'être utile et n’a pas de signification.
La responsabilité financière et rendre des comptes devrait venir d’en haut, en commençant par le Président de la République, avant que ce soit exigé de ses subordonnés. Au Rwanda, le chef de l'Etat est la première personne à ne pas rendre des comptes et pour cela, il n'a aucune autorité morale pour demander des comptes aux autres. Au Rwanda, le Président Kagame s’assimile aux institutions.
Je voudrais illustrer mon propos par ce qui suit: tout d'abord depuis que le président Kagame aime parler de rendre des comptes par les institutions, j’aimerais savoir s'il a comparu devant le Parlement pour parler de la propriété de deux avions XR Jets exécutif qu'il utilise pour lui-même et fait au moins deux voyages par mois aux Etats-Unis pour recevoir des honneurs fictives comme les doctorats, pour lui-même et sa femme, ou pour voir ses enfants.
Le coût minimum pour chaque voyage est proche de 1 million de dollars. Les deux appareils ont été achetés par l'argent du gouvernement et sont enregistrés au nom d'une pseudo-société . Il devrait comparaître devant l’Ombudsman, ensemble avec son conseiller et un fonctionnaire de l'Ambassade afin d'expliquer d'où ils ont tiré les 100 millions de dollars pour acheter les deux avions. Le ministre des finances devrait dire au Parlement pourquoi le gouvernement doit recourir aux services de ces avions privés. Est-ce le reflet de la tolérance zéro de la corruption que le président ne cesse de parler? [Le gouvernement rwandais a dit qu'il loue des jets d'une entreprise privée dans laquelle des ressortissants rwandais privés détiennent des participations – selon l’Éditeur]. Deuxièmement, le Président Kagame devrait expliquer au Parlement qui est le propriétaire de l'immeuble de l'Ambassade du Rwanda à Londres et ses liens avec la société au nom de laquelle l'immeuble de l'ambassade est enregistré.
Troisièmement, il doit expliquer au parti et au peuple Rwandais pourquoi il dirige un parti qui n’a pas de Trésorier et combien d'argent le FPR tire de toutes les plus grandes entreprises du pays qui lui appartiennent, ainsi que l’argent provenant des cotisations et contributions des membres du parti.
Quatrièmement, pourquoi la Société de Construction Arab Contractors, alors qu’elle construisait le Ministère de la Défense, a simultanément fait la construction de sa résidence privée de Muhazi tout en utilisant les biens et facilités de l’Etat? Le Ministre Bikoro a été demandé de rendre des comptes d’un conteneur de carreaux, combien d'argent le Président Kagame a-t-il payé comme impôts au Rwanda Revenue Authority pour les matériaux de construction de ses propres maisons?
Les exigences de demande de rendre des comptes du Président Kagame sont une farce, démagogiques et ne sont là que pour amuser la galerie. Bien sûr, agissant ainsi en «crachant du feu» lui soustrait de l'œil curieux et inquisiteur. Cependant, tout le monde sait qu'il le fait pour intimider, tromper la Communauté Internationale et faire bonne impression aux donateurs. Pour soutenir tout cela, il emploie l'intrigue, la tricherie, la manipulation et la trahison. Cela a été à la base de mon départ.
En ce qui me concerne, j'ai toujours fait en sorte que mes formulaires de déclaration d’avoirs et de propriété soient soumis à l'Ombudsman à temps et fort heureusement je suis en possession de tous les reçus à cet effet. Je n'ai jamais figuré sur la liste des officiels du Gouvernement suspendus pour faute de déclarations de la propriété. Le Président Kagame aurait été si heureux de me faire arrêter s'il y avait eu une moindre irrégularité dans mes déclarations.
Le président Kagame dans une note m’a félicité comme un officier exemplaire, quand j'étais Chef d'Etat-major et ayant servi pendant cinq ans sans interruption en tant qu’Ambassadeur en Inde. À quand donc pouvais-je ne pas rendre des comptes et devenir terroriste? Comment peut-il se raviser pour demander des comptes après 10 ans? Le Colonel Karegeya a servi de façon ininterrompue comme Chef du Renseignement pendant 10 ans. Le Président Kagame l’a qualifié d’inutile, vaurien et maintenant terroriste! À quand le Président Kagame s’est rendu compte que le Colonel Karegeya était inutile et valait rien après toutes ces années de service? Le peuple Rwandais est habitué à ce genre de dénigrement. Le mois dernier, il a nommé le Commandant de la Force de Réserve, mais on l’a arrêté pour abus de pouvoir, juste une semaine après sa nomination. Quand est-ce que les investigations ont eu lieu? Un autre Général a été arrêté pour avoir commis des actes immoraux – mais où est le plaignant?
Pendant le régime du Président Kayibanda [1962 - 1973], les opposants politiques ont été traités de traîtres idéologiques. Plus tard, le Président Habyarimana [1973 - 1994] disait que ceux qui fuient en l'exil ont peur de la paix et de la tranquillité qui règnent dans le pays. Dans les années 1980, le Président Habyarimana rappelle aux Rwandais et à la Communauté Internationale que son Gouvernement est considéré comme ayant le rang le plus élevé du PIB dans la région, ce qui dénote un havre de paix et que personne ne devrait parler qu’il existe un manque de démocratie.
Ces jours-ci le Président Kagame accuse ses adversaires de l'idéologie du génocide ou du terrorisme ainsi que de la corruption. Pour lui, tout le monde devrait chanter que Kigali est propre et que le développement est là. Peut-on développer sans conscience? Je crois que le Rwanda n'a rien changé en termes de leadership.
Le président Kagame a personnalisé la question concernant le Général Kayumba / Col. Karegeya. Ceci en dehors d’une certaine culpabilité de conscience. Si les personnes qui ont participé à la lutte dès la première heure et ont servi aux plus hauts niveaux de l'Armée et de la Sécurité ne sont pas des collègues dans le contexte rwandais, qui peut l'être? Le Président Kagame demande pourquoi ne l’a-t-il pas arrêté tout de suite, s’il était un dictateur ?
Puisqu’il il l’a dit dans le Monitor, journal largement lu en Ouganda, permettez-moi de vous rappeler qu'avant la mort de Ben Kiwanuka [en 1972], il avait rencontré Amin comme l’a fait l’évêque Luwum. Le fait qu’Amin ait rencontré ces deux personnalités et d'autres avant de les tuer ne fait aucunement de lui un démocrate? Est-ce Kagame veut dire que ceux qui ont fui Amin en 1978 n'avaient pas de motif de justification et auraient dû rester? En outre, il a fait des allégations concernant les personnes qui se sont enfui de 1995 à 1996 en disant que c’était peut-être à cause de moi. Voulait-il faire entendre qu'il n'avait pas de responsabilités en ce moment-là? Maintenant que je suis parti, attendons voir s’il y aura une rentrée massive des rapatriés de l’exil. Kagame parle comme quelqu'un d’offensé et d’affligé.
Comment peut-il justifier l'incarcération de mon épouse et de mes enfants à New Delhi, leur expulsion hors de la résidence de l'Ambassade en confisquant leurs passeports ayant des visas à entrées multiples? A quelle institution devaient-ils rendre des comptes ? S'il avait des problèmes avec moi, pour quoi s’en prendre à ma famille?
Pendant qu'il faisait cela à ma famille, il préparait un voyage très coûteux à West Point [académie militaire de New York] pour voir son fils dont la formation est financée par le Gouvernement que nous avons tous deux travaillé pour mettre au pouvoir. Mais l'ironie est qu’au Rwanda il n’ y a qu’une seule famille qui compte!
J'ai sauvé la vie du Président Kagame à deux reprises pendant la lutte quand tout le monde l'avait abandonné à Nkana et Kanyantanga. Où étaient tous ceux qui lui disent actuellement que je suis un traître? L'histoire dira qui a trahi qui. Ceux qui ont servi avec nous connaissent la vérité, y compris ceux qui m'ont le plus vilipendé pour raison de leur opportunisme.
Le Président Kagame a déclaré qu'il ne comprend pas et ne trouve pas de raisons pour lesquelles les gens s’enfuient à l'exil. Certes, le président doit être muni d'une mémoire très courte; toute sa famille a vécu plus de 30 ans en exil. Veut-il insinuer que ses parents étaient des aventuriers quand ils ont quitté le Rwanda et qu’ils ont en quelque sorte recouvrée leur sens après 1994?
La réponse est simple. Dans une démocratie, la population recourt aux tribunaux pour la résolution des conflits mais dans une dictature, les gens fuient pour sauver leur chère vie. Si un Chef d’Etat ne sait pas pourquoi ses citoyens fuient le pays, c’est qu’il est incapable de gouverner. "
Lieutenant-Général Kayumba Nyamwasa