Dans les années 80, au Zaïre, le régime de Mobutu s’essouffle, rattrapé par la corruption qui le gangrène. La contestation, appuyée par l’église catholique et favorisée par la fin de la guerre froide, commence à gronder et entraîne manifestations et pillages au début des années 90.
Pour affaiblir l’institution catholique qui le gêne, mais aussi pour calmer la révolte sociale, Mobutu supportera les églises de guérison en distribuant les autorisations nécessaires et, selon certaines sources, en les soutenant financièrement.
Les évangélistes américains, suisses, allemands et suédois financeront dans un premier temps le développement de leurs collègues congolais. La machine était lancée, et le business lucratif des miracles ne fera que prospérer.
Aujourd’hui, on dénombre plus de 8.000 de ces églises à Kinshasa.
Si la majorité de ces églises ont un impact local, certaines d’entre elles ont des chaînes de radiotélévision recueillant des audiences de plus en plus importantes.
Les pasteurs les plus connus sont donc à la tête de véritables entreprises et jouissent, de par leur popularité, d’un réel pouvoir au Congo.
Le monde politique, désireux de s’attirer les faveurs des électeurs, courtise ces pasteurs ; leur soutien constituant une garantie électorale.
De plus, cette vision du monde mystique détourne de nombreux Congolais de la réalité qu’ils vivent, ce qui leur permet de tenir le coup.
Si ces églises sont financées au départ par les dons des fidèles, on ne peut que s’étonner du train de vie de certains pasteurs. Les fidèles sont certes prêts à donner tout ce qu’ils ont à l’église mais ils sont souvent très pauvres et leurs dons ne pourraient couvrir certaines dépenses somptueuses dont les pasteurs sont coutumiers.
Les églises du réveil se caractérisent également par les guérisons-miracle de toutes sortes de maladies, la délivrance des démons (de pauvreté ou de « blocage » ), les transes à vertu cathartique.
Autres thèmes favoris des églises du réveil : les témoignages (aveux public de péchés), la promesse d’un « blindage » contre les sortilèges tant redoutés du monde ancestral, les dîmes et offrandes, et le leadership incontesté des pasteurs qui les dirigent sans partage.
Ces églises proposent donc un espoir d’amélioration soudaine des conditions de vie.
Elles sont également une alternative à la faillite de l’Etat.
Puisque l’on ne peut plus faire confiance à l’Etat, faisons confiance à Dieu. « Puisqu’il n’y a plus d’hôpitaux ni de médecins, c’est Dieu qui me guérira ».
Cette situation permet au monde politique congolais de maintenir certaines pratiques de mal gouvernance (corruption endémique et généralisée, pillages des ressources de l’Etat,…) sans que leurs administrés ne s’en émeuvent outre mesure.
Le foisonnement d’église en RDC prend, de plus en plus, des allures inquiétantes. C’est devenu un véritable phénomène de société. Presque toutes les grandes agglomérations de la RDC vivent cette réalité. Des maisons de prières poussent de partout sans que l’on sache trop si elles se conforment aux écritures saintes. .
Pas de souci à se faire s’agissant des lieux de prière. Maisons inachevées, anciens dépôts des marchandises et bars, hangars construits de fortune servent d’abris à ces « chercheurs de la vie éternelle ». Dieu n’habite-t-il pas dans les cœurs des hommes et non dans des maisons construites de leurs mains ?
C’est pratiquement l’entreprise la plus facile à monter en RDC.
Une certaine connaissance de la Parole, la verve oratoire, des tambours et quelques chantres suffisent pour démarrer cette affaire même en dessous d’un arbre.
Le jeu a été compris par des charlatans, Féticheurs, devins et autres « Nguza » d’antan. Ils on vite fait de se transformer, sans transition, en Bishop, Apôtres, Docteurs, Pasteurs, Evangélistes. Sous ces nouvelles dénominations, ils continuent à poser, sur leurs « clients », leurs « actes » de jadis. Dieu seul sait s’ils se sont réellement convertis au christianisme.
Ces « églises boutiques » ont leurs bons et mauvais côtés.
Effet moralisateur
Ces églises ont un effet moralisateur sur la population.
Dans un pays aux conditions de vie difficile comme la RDC, les populations vivent sous une tension permanente et des stress. Il faut quelque chose pour tempérer les ardeurs. Empêcher le débordement, le désordre social ou la révolte. Ces églises jouent parfaitement bien ce rôle.
Elles prêchent la pratique du bien. Ce qui poussent de nombreux compatriotes à s’éloigner du mal.
Des malfaiteurs, prostitués au autres fauteurs de troubles, une fois au contact avec la Bonne Nouvelle, adoptent une autre attitude : celle de l’abandon des salles besognes. Ce qui contribue à la consolidation de la paix sociale.
Lieux de refuge, ces églises permettent aux populations de se consoler face à leurs misères, d’avoir de l’espérance.
Elles indiquent aux fidèles à qui ils peuvent confier leurs « fardeaux», leurs « peines » : Dieu le Tout Puissant. Le seul qui peut supporter leurs lourds fardeaux et leur assurer du repos.
Les responsabilités des populations et des gouvernants sur les souffrances comptent moins, tout s’inscrivant dans une planification du Très Haut.
L’espoir d’accéder à la vie éternelle dans le futur fait oublier les souffrances de cette vie terrestre.
Effet inhibitif
Pays en développement, la RDC a besoin d’accroître sa production. Cela passe par l’utilisation de sa population active. C’est-à-dire la jeunesse. Hélas, c’est cette tranche de la population qui peuple ces églises.
En lieu et place de produire des biens et services dont le pays a besoin pour son développement, des jeunes passent le plus de leur temps dans ces églises.
Détournés du travail productif, des jeunes finissent aussi par se remettre à Dieu pour la résolution de tous leurs problèmes. La lutte pour la survie, la combativité, l’esprit d’initiative et d’entreprise se retrouvent ainsi inhibés. Le Fatalisme, cette tendance à croire que tout ce qui nous arrive relève d’un plan préalablement établi par Dieu s’empare de la jeunesse. Et l’attentisme s’installe.
Source d’emplois et d’occupation
Si, il est de domaines qui procurent encore de l’emploi à une catégorie des jeunes, il y a ces églises. Des jeunes en chômage ayant la facilité du langage et quelques connaissances sur la Parole de Dieu, n’hésitent plus à embrasser les métiers de “serviteur de Dieu”.La prolifération des églises leur facilite l’accès à l’emploi. Un nombre important des fidèles suffit pour améliorer leurs conditions de vie.
D’autres sans vocation pastorale trouvent quand même dans ces églises une occupation pour oublier leurs peines. Plutôt que de rester à poireauter à la maison, ils vont passer leur temps dans ces églises où ils rencontrent d’autres personnes ayant les mêmes soucis qu’eux et trouvent l’occasion de se « confier à Dieu ». Les chants, louanges, adorations et prières suscitent en eux de l’espoir et consolent les affligés.
Au Congo, devient Pasteur qui veut. Question de se faire imposer des mains par des « aînés dans la foi » même s’ils sont eux-mêmes douteux.
Des mutualités
En ce moment de crise c’est l’union qui fait la force.
Nombre des compatriotes ont compris que l’affiliation à une des églises permet de faire face à certains problèmes de la vie.
Les églises se comportent comme de mutuelles pour secourir leurs partisans. Des cotisations sont organisées pour apaiser les peines de ceux qui sont frappés par l’un ou l’autre cas social.
Appartenir à une église devient ainsi une assurance d’avoir de l’assistance en cas de problème.
Les problèmes des mariages, deuils, famines, accident par exemple sont en partie résolus grâce à l’assistance des membres d’églises.
La solidarité de membre permet parfois à certains sans emplois de trouver du travail grâce aux concours des frères.
Les plus friqués des membres de ces églises trouvent en elles, les uns l’occasion d’exhiber leurs avoirs, les autres, l’opportunité d’apporter leur assistance aux plus démunis.
Joska Kaninda